Subjugué par le régime d’Apartheid en vigueur chez son voisin sud-africain, le gouvernement blanc au pouvoir va instituer un modèle de séparation totale. 41,5% des terres vont être attribuée au Noirs. Toutefois, ce surplus de terres octroyé aux Noirs en dehors des réserves indigènes (19,1%) demeure toujours de bien mauvaise qualité puisque la région de plateaux au centre du pays, regroupant les zones minières et les zones de fortes potentialités agroécologiques, est exclusivement blanche !
En outre, cette loi interdisait toute propriété noire dans les villes qui étaient des zones blanches et retiraient aux autorités locales le pouvoir de créer des logements pour Noirs, elles devaient d’abord demander à ce que les terrains soient déclarés « African Township Area » par le gouvernement blanc. La définition de la notion de « ville » est d’ailleurs très particulière à cette époque, c’est une conception exclusivement blanche qui se décline comme suit dans les années 1960 : est considéré comme ville « tout centre comportant plus de 25 blancs, où les propriétés privées ont une superficie inférieure à 15 hectares et où au moins la moitié de la population adulte est employée dans les secteurs autres que l’agriculture ».
In fine, au cours de la période coloniale, le peuple Noir a vécu une véritable occupation et s’est vu non seulement exproprié de ses terres mais aussi spolié de ses richesses. Il a été parqué dans des « réserves indigènes » sur des terres improductives. Ses territoires n’avaient pas de ville, ni de réseaux de communication et, les populations n’avaient pas accès aux services essentiels et vivaient dans un dénuement total. C’est dans cet univers surréaliste que vont naître tous les mouvements de libération de l’époque dont le ZANU-FP de Robert Mugabe.
Robert Mugabe le nationaliste
A cette époque, plusieurs mouvements nationalistes vont voir le jour. Les plus significatifs seront le Zimbabwe African People Union (ZAPU de Joshua Nkomo) et le Zimbabwe African Union-Patriotic Front (ZANU-PF de Ndabaningi Sithole puis Robert Mugabe). Les revendications dans les deux camps sont semblables, à savoir : l’égalité raciale, le droit de vote des noirs et l’indépendance du pays. Toutefois, le mouvement de Robert Mugabe va ajouter une exigence supplémentaire, la rétrocession des terres spoliées au peuple Noir.
Fin 1963, les deux mouvements seront interdits et en 1964, Robert Mugabe sera arrêté et incarcéré pendant 10 ans. A sa sortie de prison en 1974, il ira prendre la tête de la lutte armée depuis le Mozambique. C’est le début d’une guérilla qui va conduire le gouvernement blanc de Ian Smith à rechercher des solutions de sortie de crise via une ruse qu’il organisera et qui débouchera sur les Accords de Salisbury le 3 mars 1978. Le ZAPU et le ZANU-PF de Robert Mugabe refusent d’y participer.
Les accords de Salisbury de 1978
Encore appelés accords internes, ces accords sont une véritable ruse pour continuer à entretenir les Noirs dans la confusion mentale. En gros, le droit de vote est reconnu aux noirs, une nouvelle constitution est votée. Tous les noirs de +18 vont désormais voter. La Rhodésie change de nom et devient Zimbabwe-Rhodésie. Le pouvoir exécutif sera géré par un collège exécutif de 4 membres : Ian Smith, Sithole, Muzorewa et Chirau. Un véritable conseil de prédateurs. Hors mis Ian Smith, fondateur du régime blanc raciste, les 3 autres se sont désolidarisés des mouvements que dirigent la guérilla de l’extérieur du pays, ils ont un goût pour le présent et souhaitent profiter de la vie quitte à faire des concessions au détriment de leur peuple.
En échange du suffrage et de la reconnaissance des noirs, ces 3 dirigeants vont faire les concessions suivantes aux blancs : i) Leur laisser le contrôle de l’appareil du pouvoir et, ii) Leur garantir la survie de l’essentiel de leurs privilèges tels :
• Une surreprésentation politique (près du 1/3 des sièges de l’assemblée pour 3% de la population) ;
• Un droit de véto pour toute mesure portant atteinte à leurs droits fondamentaux ;
• Le maintien de leur contrôle sur la fonction publique, la police, l’armée et l’économie.
Le ZAPU et le ZANU- PF de Robert Mugabe après avoir rejeté la négociation vont aussi rejeter son résultat. Mais un nouveau gouvernement sera constitué avec à sa tête Abel Muzorewa (premier ministre) qui va alors lancer de violentes représailles contre les camps nationalistes en Zambie et au Mozambique. La guérilla qui a redoublé d’intensité s’apprête à riposter. La Grande-Bretagne craint une escalade de la violence et un embrasement régional qui pourrait conduire le pays dans l’impasse, elle souhaite calmer le jeu. Dans l’urgence, elle convoque par le biais de Mme Thatcher (premier conservateur) une conférence institutionnelle qui débouchera sur les Accords de Lancaster House un an plus tard en 1979. Le ZAPU et le ZANU- PF de Robert Mugabe y sont conviés.