Le nationaliste Robert Mugabe ne souhaite pas participer à cette farce, il exige comme préalable à toute négociation, la reddition sans conditions du gouvernement Smith-Muzorewa en place et la rétrocession des terres spoliées au peuple Noir. C’est le président Mozambicain, Samora Machel, en personne qui le décidera finalement à négocier en lui conseillant en outre la modération.
Le nationaliste Robert Mugabe va finalement accepter de transiger sur un certain nombre de points : i) la nature du régime qui sera de type parlementaire britannique, ii) la protection des droits et des libertés des blancs, iii) les garanties excluant les expropriations et les nationalisations forcées et, iv) les mesures transitoires qui assurent pendant plusieurs années une représentation politique particulière aux blancs.
En clair, les bases de l’accord tacite qui laisse aux blancs le contrôle de l’économie en échange du contrôle de l’Etat sont alors jetées. La question de l’indemnisation des Noirs n’est pas évoquée, celle de la redistribution des terres est partiellement abordée. Les terres blanches (43%) du pays devraient être rendues aux agriculteurs noirs sur la base d’un « marché libre » défini suivant un triple principe : i) l’ « assentiment du vendeur et de l’acheteur », ii) la compensation immédiate et équitable des terres expropriées, compensation évaluée par rapport à la valeur du terrain sur le marché foncier et, iii) le règlement en devise de la transaction.
Mais, ces procédures d’achat vont s’avérer être hors de portée des moyens financiers du gouvernement. Toutefois, ces concessions ne seront garanties aux blancs que pour une période bien déterminée. La nouvelle constitution va ainsi garantir aux blancs une représentation politique pour une période de 7 ans et protéger les fermiers blancs contre une expropriation spoliatrice que pour 10 ans. Durant cette période, le Royaume-Uni va alors s’engager à verser 20 millions de livres à l’Etat Zimbabwéen afin de contribuer à une répartition équitable des terres.
Acte 2 : 1980 - 1989 : un simulacre d’indépendance au pouvoir vidé de toute sa substance
Sous l’égide des Accords de Lancaster House de 1979, le Zimbabwe accède à l’indépendance en 1980. Robert Mugabe devient 1er ministre, il a les mains liées. C’est le statu quo, les ambitions de Robert Mugabe d’utiliser immédiatement l’indépendance comme tremplin d’une vaste réforme économique et sociale est frustrée. Il faut lâcher du lest, les principaux cadres de l’ordre économique rhodésien vont demeurer (industriels et financiers, gros commerçants, professions libérales et fermiers commerciaux). Le pacte implicite doit être respecté à savoir, protéger la sécurité et la qualité de vie de la minorité blanche en échange du maintien d’un bon niveau d’activité et du respect du monopole politique désormais exercé par les noirs. C’est le « modèle Zimbabwéen » qui a fonctionné pendant 10 ans.
1990 : La naissance d’un Etat soucieux du bien-être de tous
Après 10 années d’indépendance, les ruraux vivent un véritable cauchemar et le taux de chômage dans l’économie dépasse les 30%. La réforme agraire de plein gré n’a porté aucun fruit et la structure agricole est restée identique. Le secteur commercial aux mains des blancs détient toujours 28,6% de la superficie du pays (terres de meilleure qualité) tandis que le secteur communal en possède 42%. De manière plus explicite, le grand secteur commercial représente 4660 exploitations alors que plus d’un million de ménages soit environ 6,1 millions de personnes vivent dans les zones communales.
Nous sommes en 1990 et les Accords de Lancaster House arrivent à expiration. Face à cette situation cauchemardesque, le président Robert Mugabe va alors se donner les moyens de construire les bases d’une société juste et équitable par le truchement d’une loi : le Land Acquisition Bill, qui sera adoptée par le parlement zimbabwéen le 18 mars 1992. L’objectif de celle-ci est de conduire, sur plusieurs années, au rachat par le gouvernement de près de 5 millions d’hectares de terres agricoles commerciales non utilisées ou sous utilisées pour les redistribuer aux noirs dépourvus de terre. En outre, elle autorise le gouvernement à fixer le prix des terres, annule la clause de l’assentiment du vendeur et supprime l’obligation des paiements en devises pour les terres expropriées.
Cette loi sera très mal accueillie au sein de la communauté internationale et totalement rejetée par les fermiers blancs qui vont d’ailleurs lancer un avertissement sans équivoque sous forme de prophétie : « cette loi va à l’encontre de nos droits fondamentaux et entrainera inévitablement une chute de la productivité sur les terres de réinstallation, qui se répercutera nécessairement sur l’ensemble l’économie et portera atteinte à la sécurité alimentaire, au Zimbabwe et dans toute la région ». Mais cela ne restera pas qu’une menace puisque ces derniers aidés de leurs alliés occidentaux vont dès lors tout mettre en œuvre pour réaliser cette prophétie en créant le chaos et le désespoir au Zimbabwe.