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DOSSIER: L’Esclavage des Noirs en Terre D'ISLAM - Autopsie d´un Génocide sans précédent?* 3/7

DOSSIER: L’Esclavage des Noirs en Terre D'ISLAM - Autopsie d´un Génocide sans précédent?* 3/7


3. A l'assaut de l'Afrique

par Kham Piankhy

Les premières victimes africaines de l'expansion islamique sont les Éthiopiens. Dès 630, ils subissent déjà les raids d'armées venant de l'Arabie voisine pour pratiquer des razzias. Khaibar est ainsi à la tête de centaines d'hommes quand, vers 630, il fit une énorme razzia sur l'Éthiopie afin d'amasser des esclaves. Nous verrons plus tard, des commerçants arabes s'installer en Éthiopie et, tout comme ils le feront plus tard sur toute la côte orientale de l'Afrique, ils se « métisseront » avec des Éthiopiens. Leur installation en Éthiopie n'est pas désintéressée : ils étendent la traite d'esclaves qu'ils revendent avec un profit maximal vers les pays demandeurs. Plus la population des côtes éthiopiennes s'islamise, plus la chasse aux esclaves s'intensifient puisque à partir de ce moment, les Éthiopiens et les métis arabo-éthiopiens de confession musulmane, voient tout non-musulman comme un kouffar, un infidèle :

« Pendant plusieurs siècles, les armées d'Égypte n'allèrent pas plus loin en Nubie ou, au-delà, en Abyssinie. Les menaces, les incursions et les razzias, puis les premières attaques contre les Éthiopiens ne sont donc pas venues du nord, le long de la vallée du Nil, mais de l'est, de la côte africaine de la mer Rouge, là où les Arabes du Hedjaz et du Yémen avaient, dès les tout premiers temps de l'Islam, fondé plusieurs comptoirs marchands, têtes de pont pour des expéditions hasardées dans l'intérieur. En 615 ou 620, onze Arabes, quatre d'entre eux accompagnés de leurs femmes, s'étaient établis dans l'un des ports de l'Abyssinie. Quelques années plus tard, une autre expédition, fuite aventureuse peut-être d'un clan persécuté par ses voisins, amenait sur les mêmes rivages soixante-trois hommes et dix-huit femmes. Certains ne demeurèrent que peu de temps ; les autres, plus nombreux, bénéficièrent d'une large hospitalité et, sans doute favorisée par de fructueux contacts avec des trafiquants indigènes, fondèrent des foyers stables, bâtirent une mosquée et des maisons. Mais les rapports, jusque-là très pacifiques, entre Arabes et Africains prirent brusquement un autre tour en 628 avec l'invasion de l'armée arabe de Khaibar suivie, en 631-632, d'une série de razzias. [...] Malgré leur petit nombre et leur situation souvent précaire, quelques comptoirs ont bravé le temps, se sont développés et ont vite tenu leur rôle dans les transactions marchandes, tout particulièrement dans le trafic des esclaves éthiopiens. L'archipel des Dahlaks, face à la ville de Massaouah, d'abord simple refuge ou escale pour leurs navires et sorte de pénitencier pour les hommes condamnés par les califes de Bagdad, leur permettait déjà de préparer des incursions chez les tribus de l'arrière-pays et d'armer pour d'autres reconnaissances du littoral vers le sud. C'est alors qu'ils s'installèrent à Zeila, près de l'actuelle Djibouti ; puis à Aydab, port d'embarquement pour les pèlerins de La Mecque mais qui, situé au débouché des pistes caravanières venant du Nil - principalement d'Assouan située à quinze jours de marche -, fut, jusqu'au début du XVème siècle, le grand centre d'échanges des produits orientaux contre des captifs noirs ; enfin, à Souakim, ville bâtie sur une île séparée du continent africain par un chenal encombré de coraux, île peuplée de Bugas, tribu des Noirs habitant le pays entre le Nil et la mer Rouge, et déjà de métis d'Arabes immigrés. Les trafiquants couraient à la chasse aux captifs à l'intérieur du continent, d'abord au plus près, au nord du plateau abyssin. Une caravane de chrétiens d'Éthiopie, comptant trois cent trente-six moines et quinze religieuses, qui se rendaient en pèlerinage en Terre sainte suivant la côte vers le nord, fut attaquée par des nomades à la solde de ces trafiquants ; tous furent massacrés ou réduits en esclavage puis conduits sur l'autre rive de la mer. Les musulmans se hasardèrent ensuite de plus en plus loin, jusqu'au cœur du royaume d'Éthiopie où ils fréquentaient les postes de traite, campements sommaires aux carrefours des pistes, et entretenaient des commis dans chaque ville ; ils suivaient le roi chrétien et la cour dans leurs déplacements. Dans les régions les plus éloignées, principalement dans le pays de Damot, au sud-ouest du royaume, où vivaient un grand nombre de païens, "ils achètent par centaines les meilleurs esclaves qui deviennent ensuite de bons maures et de vaillants guerriers. On les vend à haut prix jusqu'aux Indes et en Grèce". Les captures et les convois exigeaient des relais, des rabatteurs, des guerriers et des geôliers responsables des enclos rudimentaires où l'on gardait les prisonniers. Ces hommes de confiance, se mêlant alors aux indigènes, formèrent ici et là des foyers de populations métissées. Ils pratiquaient strictement l'islam, s'appliquaient à convertir leurs voisins et gardaient des liens avec les villes et les embarcadères de la côte, acheminant par caravanes, sur d'innombrables routes, des centaines ou des milliers d'hommes et de femmes enchaînés. Ce sont eux qui, établis chez les Noirs, de façon très précaire certes mais à demeure, déjà familiers du pays, des hommes et des langues, ont, très tôt et très vite, dès les toutes premières années 800, donné une impulsion considérable à la traite musulmane d'Orient. Sur les hauts plateaux, sont nés, à partir d'enclaves d'abord modestes, d'une façon que nulle chronique ne rapporte, de véritables sultanats musulmans, s'administrant eux-mêmes, ne reconnaissant que leur Loi. Al-Umari, historien de l'Égypte et de l'Afrique orientale, en dénombrait sept. D'autres auteurs les disent plus nombreux, et il serait bien risqué de prétendre en dresser le compte exact tant la situation était partout mouvante, incertaine, à la merci de reprises en main par les Éthiopiens eux-mêmes. L'existence de plusieurs sultanats musulmans parfaitement autonomes, particulièrement actifs et prospères, ne fait pourtant aucun doute : celui d'Adal, sur les hauts plateaux; celui de Shoa ou Choa, attesté vers l'an 1100, loin de la côte, à l'ouest du Nil Bleu et juste au nord du chapelet des lacs intérieurs ; celui d'Awfat ou Ifat, de la dynastie des Walashma, bien plus vaste, loin de la mer aussi; et quelques autres, encore plus à l'ouest. Ils ne tiraient de leur sol que de maigres récoltes et ne devaient leur survie qu'à l'incessant trafic des captifs conduits, au prix de longs et pénibles cheminements, vers d'autres postes de traite, lieux d'étape, de rassemblement et de castration, puis vers la côte. Le sultan d'Adal, lui-même esclavagiste expérimenté, à la tête de vastes réseaux, envoyait très régulièrement quantité d'esclaves à La Mecque, au Caire et dans les États d'Arabie »[1]

Tous ces sultanats, fondés sur l'immigration de quelques Arabes ou Perses marchands ou chassés de leur terre d'origine, seront la base de l'implantation de l'islam en Afrique de l'est. Les populations djiboutiennes et somaliennes, lointainement métissées d'Arabes auront maintenu, depuis cette époque, une véritable « distance sanitaire » entre eux et les Africains de « pure » souche. C'est ce qui explique cette culture « différentialiste » largement répandue en Afrique de l'est qui veut que certains Est-africains ne se considèrent pas comme des Africains à part entière mais comme des « Arabes » à peau noire et érigent leur particularité en absolu. C'est de cette manière que « les métis, de plus en plus nombreux, en vinrent à former la part la plus active des sociétés marchandes »[2] dont, bien entendu, celui du trafic d'esclaves : l'esclave africain demeure à leurs yeux, cet Autre qui n'est ni Arabe ni musulman.

Au nord de l'Afrique, les Égyptiens arabisés et islamisés étendront l'influence de l'islam en attaquant les territoires situés au sud du pays. Au 7ème siècle, juste après l'intrusion de l'islam dans l'ancien pays des pharaons, les Égyptiens se ruèrent sur la Nubie. Après de violents affrontements avec les armées nubiennes, Abdallah ben Sayd Seran imposa au roi Kalidurat un pacte de non-agression conditionné par l'acceptation de la construction d'une mosquée et, surtout, par la livraison, chaque année, de 360 esclaves à l'Égypte. Les esclaves de sexe masculin et féminin ne devaient être ni vieux, ni malades ni estropiés ni trop jeunes. D'autres conditions de ce traité faisaient ainsi de la Nubie un vassal de l'Égypte, constamment menacée d'invasion si une seule des conditions venait à ne pas être respectée : « si vous retenez quelque portion des trois cent soixante esclaves, alors il n'y aura pour vous ni traité ni sauvegarde ». C'est ce traité que l'Histoire retiendra sous le nom de baqt. Mais en réalité, les Nubiens ne furent pas les seuls à avoir été attaqués et menacés par les Égyptiens. Quelques années après, les armées musulmanes d'Égypte se dirigeront vers le sud-ouest du pays pour agresser plusieurs royaumes dans le Fezzan (sud de la Libye) ou encore le royaume de Kawar, situé dans la région du lac Tchad. Ils exigeront exactement la même chose : 360 esclaves tous les ans sous peine d'être attaqués à nouveau.

Il faut insister sur le rôle essentiel de l'Égypte car depuis l'islamisation du pays, « l'Égypte est devenue la vigie de la doctrine musulmane orthodoxe, le lieu où s'élaboraient les décrets déterminant la vie en commun ainsi que les chartes président à toutes les transactions humaines, donc au commerce »[3]

À l'ouest du continent, ce sont les Almoravides qui pénètreront dans les empires africains par la force. Cette secte islamiste ultra-rigoriste est issue de plusieurs tribus berbères et était dans la pure tradition de l'islam. Les Almoravides refusaient la dépravation et toutes les autres dérives très en vogue dans les pays musulmans. Cependant, dans leur conquête du Sahara, tout n'était que razzias et mises en esclavage.

Les Lemtouna d'Aoudaghost en Mauritanie étaient des vassaux de l'empire du Ghana (790-1240) et lui payait tribut. Ces islamistes Lemtouna vont être à l'origine de la création des Almoravides. Ce sont des populations blanches berbères parmi lesquelles on trouvait aussi des Négro-africains et des métis, nés de la rencontre entre des populations mélanodermes et les tribus Sanhaja, dont sont issus les Lemtouna, les Lamta, les Madaça ou les Messoufa. Ces tribus pratiquent un « racio-esclavagisme » depuis toujours. Bien avant l'arrivée de l'islam, les Berbères blancs du Sahel contrôlaient le trafic des esclaves noirs en provenance du sud et avaient asservi des milliers d'entre eux. On retrouve ces esclaves travaillant comme des damnés dans les salines du Sahara occidental et central, sous des températures infernales. Le taux de mortalité était énorme et il fallait sans cesse renouveler le cheptel. Plus largement, toutes les richesses minières du pays des nomades berbères étaient exploitées par une main d'œuvre servile exclusivement noire. Ici, la racialisation de l'esclavage est une tradition qui se perpétue encore au Niger et surtout en Mauritanie, où les Harratines (anciens esclaves noirs) sont encore considérés comme des moins que rien.

Les Almoravides naissent après le retour de pèlerinage du chef de la tribu Lemtouna, Yaya Ibn Ibrahim. Musulman convaincu, Ibrahim se radicalisa en constatant que sa pratique de l'islam était pour le moins très éloignée de ce qui se pratiquait en Orient. Les Mecquois le raillaient en effet lorsqu'ils prirent conscience de ses lacunes sur l'islam. Sa rencontre avec Abdullah ibn Yacin, un théologien ultra-radical rencontré à Kairouan, le grand centre islamique de l'école malékite, va changer radicalement sa perception de l'islam. Il se mit en tête d'imposer ses préceptes nouvellement acquis à son peuple en lui présentant son nouvel imam. Mais l'imam Yacin avait une conception de l'islam tellement effrayante que les Berbères le destituèrent avant de le chasser de la tribu. Abdullah ibn Yacin et Yaya ibn Ibrahim s'isolèrent afin de prêcher leur vision très stricte de l'islam à quelques partisans. En quelques années, ils bâtirent une armée de plusieurs milliers de « moines-soldats » fanatiques que les Toucouleurs du Tekrour rejoignirent durant leur campagne africaine. La légende est née. En moins de dix ans, ils réunifient les tribus berbères sous leur autorité et lancent le jihad vers le Maroc et l'Afrique de l'ouest.

Pour Yacin, l'islam doit revenir à la piété du début et cela ne se discute pas. Il a une conception assez particulière de sa religion qu'il règle à coups de trique :

- L'adultère : 100 coups de fouet

- Le mensonge, 80 coups de fouet

- La consommation d'alcool, 80 coups de fouet

- Un retard pour la prière, 5 coups de fouet [4]

L'empire du Ghana était animiste et les Almoravides ne pouvaient pas supporter plus longtemps l'offense d'être sous la coupe d'un roi qui incarnait à leurs yeux la figure du « chien de païen » qu'ils abhorraient par-dessus tout. En 1054, ils attaquèrent la ville berbère d'Aoudaghost pour la seule raison qu'elle acceptait de payer tribut au Ghana des adorateurs de totem. La ville a été prise et pillée de fond en comble. Sur leur lancée, la capitale de Ghana est attaquée, mais là, c'est une lutte sans merci au cours de laquelle les Almoravides durent batailler durant plusieurs mois et perdre des centaines d'hommes avant que Koumbi-Saleh, la capitale de l'empire du Ghana, ne tombe en 1076. Les Cissé, les Sarakollés à la tête du Ghana, paieront cher leur résistance : les Almoravides massacrèrent, razzièrent et emmenèrent en esclavage des centaines de personnes. Ils contraignirent les chefs de la capitale à se convertir à l'islam et ceux qui refusaient étaient trucidés sur le champ[5]. Les chefs almoravides, en guise de loyauté, s'échangeaient des produits dont des centaines d'esclaves comme on le verra avec Yussouf ben Tashfin qui offrira à son cousin Abu Bakr, le nouveau chef des almoravides, vingt Africaines vierges et 150 nègres. Ses esclaves étaient dans un lot de présents d'étoffes, de musc ou encore de turbans.

La dislocation de l'empire permit à une ribambelle de peuples de s'affranchir de la domination des Sarakollés - aussi appelés soninkés. C'est ici un élément fondamental pour comprendre l'islamisation de l'Afrique de l'ouest qui a été influencée par les Almoravides et l'école Malékite de Kairouan. C'est cet islam que des Africains imposeront à leur tour aux populations animistes jusqu'au golfe de Guinée. Cette islamisation se fait pacifiquement par le biais des Dioulas (des Sarakollés) qui sont des commerçants islamisés issus de l'éclatement de l'empire du Ghana. De leur côté, les Songhaïs (surtout sous l'ère des Askia) islamiseront leur empire par les armes, les razzias et la mise en servitude au nom d'Allah. Selon la bonne vieille tradition du jihad.

En 1552, Salah Raïs, pacha d'Alger sous domination turque, attaqua Tombouctou et emmena 10 000 Africains en esclavage. Tombouctou était à cette époque musulmane mais inutile de préciser que pour le pacha d'Alger, les Noirs étaient des sous-musulmans et que les règles s'appliquant aux vrais musulmans (donc ceux à peaux blanches) ne valaient pas tripette en ce qui les concernait.

Dans les pays arabes, les esclaves avaient le nom de « têtes » (ru'us raqiq). C'est le même mot utilisé pour le bétail. Dans les premières décennies de l'expansion islamique, la traite d'êtres humains et leur mise en esclavage par les Arabes concernent tous les kouffar, d'où qu'ils soient. Attention à ne pas se méprendre : cela ne signifie absolument pas qu'il n'y a pas de racisme présent, notamment contre les Noirs - on y reviendra - mais cela signifie que, en ces temps, l'approvisionnement en esclaves est facile aussi bien en Europe, sur la côte-est africaine, dans le Caucase qu'en Asie. Les juifs et les chrétiens étaient épargnés - dans la théorie car dans les faits, de nombreux juifs et chrétiens slaves et caucasiens seront réduits en esclavage en Afrique du nord - par l'asservissement car considérés comme étant des « peuples du Livre ». La condition était pour eux de payer une taxe qui entérinait leur statut de dhimmi. Chrétiens et juifs ayant ce statut de dhimmi pouvaient avoir des esclaves. En revanche, la loi islamique obligeait clairement les juifs et les chrétiens à affranchir ou à vendre sur le champ tout esclave - dont ils étaient propriétaires - se convertissant à l'islam. Or cet interdit n'a jamais été appliqué lorsque le maître était musulman. Mais il n'y avait aucun intérêt à se résoudre à interdire un fait qui permettait à tous les régimes islamiques d'exister.

Une fois que la communauté des croyants va s'universaliser, les Arabes vont commencer à avoir une attitude différente envers les musulmans en fonction de leur couleur. Et les Africains vont s'en rendre compte très vite :

« Dans l'ensemble, les juristes musulmans estimaient que le châtiment des musulmans fautifs ne devrait pas aller jusqu'à l'asservissement. En revanche cela pouvait être justifié, dans certains cas, par l'hérésie ou l'apostasie. Là où cette doctrine était acceptée, elle encouragea les candidats à la razzia à accuser d'apostasie qui que ce fût qu'ils voulaient attaquer pour de tout autres raisons. [...] Si les Arabes et, de façon générale, les musulmans, asservissaient leurs coreligionnaires, pratique dont l'impact reste inconnu, cela concernait habituellement des Africains et non des Blancs. Il arrivait aussi, de temps en temps, que des Arabes tombent en esclavage mais, le plus souvent, des membres de leur tribu les rachetaient. De toute façon ce n'était pas courant. [...] »[6]

Voilà donc un mythe qui tombe. Depuis toujours, certains Africains et Afro-descendants, s'étaient persuadés que les Arabes mettaient en esclavage des gens de toutes origines et que la race n'entrait pas en compte dans leur hostilité vis-à-vis de certaines populations, contrairement aux Européens. Ce discours est même repris comme un argument positif démontrant le rejet du racisme. On n'a décidément peur de rien, même pas du ridicule. En réalité, il s'agit ici d'un mythe qui était relativement vrai au tout début de l'expansion islamique. Au fur et à mesure que les Slaves, Mongols, Turcs ou Caucasiens furent difficiles à obtenir, les musulmans se sont rabattus systématiquement sur les Africains. De tous les peuples que les Arabes et les musulmans ont croisé, les Négro-africains sont les seuls à avoir été continuellement attaqués, razziés, vendus et achetés sans état d'âme même lorsqu'ils étaient musulmans : « l'idée que les musulmans africains étaient en quelque sorte différents des autres musulmans et que l'Afrique était une source légitime d'esclaves subsista [longtemps] malgré les réfutations »[7]

Les califes, émirs et autres chefs des pays arabes du Proche-Orient avaient pour habitude de chasser de leur terre des renégats, des sectes ennemies, voire d'oppresser des tribus entières pour quelques raisons que l'on jugera tyrannique. Nombre de ces tribus se sont installées en Afrique en petites communautés tribales, souvent dans des zones tampons du Sahel entre monde arabe et monde négro-africain ou sur la côte des Somalis. Uthman ibn Idris, roi de Bornou, un royaume africain musulman situé aux alentours du lac Tchad, s'est ainsi plaint que des tribus arabes, dont celle des Djudham, razziaient son peuple. En 1391 ou 1392, par un courrier adressé au sultan égyptien, il s'indigna que son peuple, composé de musulmans libres, insiste-t-il, soit victime de razzias : « ils ont fait prisonniers des gens libres parmi les nôtres, ceux de notre souche parmi les musulmans [...] ils ont pris nos gens comme une marchandise ». Pour appuyer ses arguments, le roi prétendait que sa tribu avait été fondée par un Quraychite - la tribu du prophète Mohammed. Le roi de Bornou est lui-même un fervent musulman qui razzie les populations païennes alentours sans états d'âme. Son pays est, dans le Soudan central, devenu un grand spécialiste de la fabrique d'eunuques avec le pays haoussa et le royaume du Tekrour. Mais c'est au Bornou et au Barguimi que les jellab d'Égypte et d'Orient emmènent généralement leurs esclaves pour les faire mutiler. Le roi de Bornou recevait ses coreligionnaires négriers arabes comme des princes. Lorsqu'ils attendaient leurs esclaves, pendant que le roi bornouan envoyait ses soldats razzier les ethnies du sud de son territoire, les marchands arabes patientaient et avaient à leur disposition chanteuses, danseuses, esclaves sexuelles et prostituées au frais du roi. De son côté, le Songhaï Daoud de la dynastie des Askia, envoya 80 eunuques au Maroc pour remercier le sultan de Marrakech. Sous cette dynastie islamisée des Askia, les Oulémas et les marabouts sont chéris et reçoivent des esclaves et des terres à profusion[8]. Beaucoup d'Africains islamisés développèrent, par mimétisme, une haine hallucinante envers tout ce qui n'était pas musulman et servaient de relais à la chasse aux animistes pour le compte des négriers arabes. Parfois, le snobisme des souverains noirs islamisés tournait carrément au grotesque. On vit ainsi des Songhaïs de la dynastie des Askia s'entourer de conseillers et d'hommes de science arabes, se laisser influencer par des oulémas et des marabouts qui leur dictaient quasiment les « bonnes attitudes musulmanes » à avoir.


[ L'Askia Mohammed ]

Les Noirs du Sahel ont fini par considérer les Africains païens comme des bêtes, des êtres inférieurs aux musulmans, des idolâtres que l'on pouvait razzier et tuer sans que la sainte religion n'y trouve rien à y redire. Pendant ce temps, les pays arabes et musulmans ne se souciaient guère de savoir si, les Noirs qu'ils vendaient sur les marchés du Caire, de Tunis, de la Tripolitaine, du Maroc, du Proche-Orient et d'Inde, étaient musulmans ou non. De la sottise des uns face au racisme des autres. Pendant que les Arabes et les Berbères ne faisaient aucune distinction entre eux et les considéraient comme des sous-hommes ou presque, les peuples africains islamisés rêvaient de fraterniser avec eux en montrant encore plus de zèle dans la pratique de l'islam et dans la haine de l'infidèle. Mais l'Histoire les rappellera la réalité : à partir de 1892, le Barguimi et le Bornou seront attaqués par Rabah, un Arabo-soudanais trafiquant d'esclaves qui décapitera les rois et réduira en esclavage les populations bornouanes. Rabah sera proclamé roi du Bornou et imposera un régime islamiste basé sur la charia en vassalisant tous les États anciennement négro-africains. Les Songhaïs, quant à eux, verront leur empire détruit par les Marocains qui les réduiront en esclavage malgré tout le zèle qu'ils ont montré en matière d'islam. Bwemba-Bong rappelle que « l'économie du Soudan occidental était si marquée par les razzias esclavagistes que les expéditions des rois soudanais avaient inexorablement refoulé leurs "populations" païennes loin des centres politiques et économiques (...)»[9]

Cette réalité pose le problème de l'universalité de l'intolérance et du rejet de l'altérité : est-ce qu'un dogme ou une religion, au motif qu'elle admet tous ceux qui se soumettent à elle sans distinction de couleur, peut évoquer la tolérance lorsque tous ceux qui ne se soumettent pas à elle sont jugés comme étant des êtres quasiment inférieurs ? Je t'accepte tant que tu fais tout pour me ressembler mais je te hais et te tues si tu ne te soumets pas ? Ce n'est plus aimer les gens mais aimer les gens qui se conforment à mes idées. En fait, ce n'est pas de l'universel mais, comme on le constate souvent, une vulgaire universalisation d'un ethnocentrisme arabo-musulman qui désigne tous ceux qui ne sont pas de cette héritage comme étant des proscrits. On pourrait en dire autant des religions juive - avec son concept de goy qui désigne l'Autre - et chrétienne. De l'arrogance des religions croyant avoir la science infuse.

Cependant, attention de ne pas tomber dans le piège des idéologues. Un empire comme celui du Songhaï n'est pas un empire entre les mains de barbares sanguinaires : Tombouctou est une ville de lettrés et de scientifiques où l'on étudie l'astronomie, le droit, l'histoire, la botanique etc. On y compte près de 100 000 manuscrits, dont les plus anciens sont antérieurs à la période islamique. Les masses qui cultivent les champs et travaillent pour le roi ne sont pas des tous des esclaves dans le sens où nous l'entendons en Europe. C'est en fait l'équivalent du servage. Même chez les plus violents des Askia, le servage traditionnel subsistait encore. Les auteurs arabes ont vite fait de qualifier d'« esclaves » tous ceux qui dépendaient du roi et ne distinguaient pas les serfs des esclaves :
« Les Askya, d'après le Tarikh el Fettach, ont à leur disposition 24 tribus asservies par Sonni Ali-Ber à la suite d'une gigantesque razzia au Mali. Cette origine des tribus serviles ne parait guère vraisemblable, mais leur existence semble assez établie et l'histoire racontée par le Tarikh doit être celle du mythe qui justifie leur asservissement. Elles assurent dans l'empire différents services, depuis le service personnel de l'Askya jusqu'à la fabrication des armes. Trois de ces tribus sont attachées à la terre et chargées du ravitaillement de la cour. Une autre est spécialisée dans la pêche sur le Niger et fournit l'empereur en poisson séché et en transports en pirogue. Une autre est chargé des écuries impériales. Ces esclaves cultivateurs et pêcheurs semblent plutôt des serfs de la couronne : ils doivent fournir une certaine prestation en nature et, cette prestation fournie, ils semblent assez libre de leurs activités. (...) Les empereurs du Songhaï paraissent avoir développé de véritables fermes d'État, dirigées par des intendants, où cette main-d'œuvre servile reçoit des semences - on n'ose pas dire sélectionnées, mais l'idée doit bien être de ne semer que des grains de bonne qualité - et doit produire une certaine quantité. La part de récolte due en redevance est ensuite emballée, transportée et stockée dans les greniers royaux par d'autres esclaves »[10]

Le Maroc fit son entrée en Afrique noire de belle manière. Appuyé par des canons espagnols, le marocain Ahmed al-Mansur Saadi rêvait de s'approprier les mines d'or et de sel du Soudan occidental et, pour ce faire, attaqua l'empire songhaï en 1591. Après avoir pillé Tombouctou, les Marocains exigèrent des centaines de kilos d'or et des milliers d'esclaves. Pourtant, l'empire songhaï entreprit une islamisation de son territoire, par le biais de la dynastie des Askia fondée par Mohammed Touré le Grand, dès 1493. Parmi toutes les factions en guerre pour prendre la succession de Sonni Ali Ber, dernier empereur de la dynastie des Sonni, les Askia étaient considérés comme une des branches les plus islamisantes comparée à d'autres qui étaient plus centrées sur leurs racines africaines. Les Askia avaient islamisé l'entièreté de leur empire avec une violence parfois inouïe au cours de leurs 98 ans de règne. Ils étaient par conséquent de pieux musulmans lorsque, en 1591, l'armée marocaine, dirigée par Djoudar, un soldat-esclave eunuque d'origine espagnole qui s'était converti à l'islam, attaqua cet immense empire sur ordre du sultan marocain. Depuis, cette date-clé permit aux Marocains de contrôler Ouadane et de déverser à Fès tous les esclaves des territoires qu'ils avaient annexés au point où le trafic de cette zone était un dès plus importants d'Afrique. C'est un homme de main pro-marocain qui a désormais le contrôle des zones aurifères. Le désert nigérien devint quasiment un territoire officiel dédié aux razzias de nègres par les Marocains. Les soldats de Djoudar prirent comme esclave la fille de l'empereur Ishaq II, violèrent des femmes, tuèrent des hommes à la chaine et emmenèrent des milliers de captifs pour les vendre à Tombouctou comme esclaves.

Les Songhaïs étaient dans l'impossibilité de faire face à la puissance de feu des mercenaires espagnols. Suite à l'attaque d'al-Mansur, Tombouctou est donc occupée par les troupes marocaines qui étendent leur influence du Sénégal au Bornou (Tchad actuel). Ils établissent d'emblée un réseau de traite supervisé par le sultan en personne qui « s'arrogeait en outre le droit de choisir la meilleure "marchandise" [et] fixait lui-même la somme qu'il devait régler au propriétaire »[11]. C'est le sultan marocain et lui seul qui délivrait les autorisations de commercer aux trafiquants d'esclaves.

Ahmed Baba (1556-1627) était un théologien, scientifique et philosophe songhaï très célèbre de cette époque où la ville de Tombouctou comptait 25 000 étudiants. Il fut déporté vers le Maroc au cours de l'occupation du pays. À sa libération, plusieurs années plus tard, il rédigea un traité nommé « cadre de travail pour une appréciation du statut légal des Soudanais mis en esclavage ». Dans ce traité, le cadi Ahmed Baba ne dénonce absolument pas l'esclavage en tant que tel. Notez la nuance : il condamne fermement le fait que des musulmans noirs soient réduits en esclavage au mépris de la loi islamique, tout en précisant que « la raison de l'asservissement est l'incrédulité. La situation des Noirs incroyants est la même que celle des autres infidèles, chrétiens, juifs, Perses, Turcs, etc. [...] Tout croyant, s'il persiste dans son paganisme originel, peut devenir un esclave, qu'il descende de Cham ou non. De ce point de vue, il n'y a pas de différence entre les races »[12].


[ Ahmed Baba ]

Pour Ahmed Baba, musulman convaincu, l'esclavage n'est pas en cause. Ce qui est en cause, ce sont les préjugés raciaux présents dans l'esprit de beaucoup de musulmans blancs qui, déjà à cette époque, considéraient les Africains à peau noire comme des esclaves de fait. Baba, en citant Cham, démontre que ce cliché raciste a été présent dans l'esprit des musulmans blancs au point où il a trouvé important de le récuser.

Au 15ème siècle, on vit le juriste marocain Ahmad al-Wansharisi justifier la vente d'un esclave éthiopien alors que ce dernier était musulman et pratiquait pleinement. Lorsque l'Africain est musulman et que l'on désire en faire tout de même un esclave, on émet des doutes sur son islamité. Ahmad al-Wansharisi justifia parfaitement ses préjugés raciaux puisqu'il affirma que le fait que l'Éthiopien soit musulman de naissance ou non ne remettait de toute façon pas en cause son droit de vente. Il entérina donc son asservissement. Tout cela conduit à admettre que les Africains à peau noire « étaient les principales victimes de l'habitude très répandue parmi les musulmans d'asservir d'autres musulmans »[13]

Au 19ème siècle, l'historien marocain Ahmad ibn Khalid al-Nasri se disait épouvanté par la mauvaise foi des Nord-africains vis-à-vis des razzias qu'ils pratiquaient en Afrique noire. Razzias qu'ils justifiaient en présentant les Africains comme des idolâtres, donc comme des cibles potentielles d'un jihad qui les ramèneraient à la religion musulmane. Al-Nasri admettait que dans les pays du Maghreb « l'asservissement sans limite des Noirs, et leur importation, chaque année, par troupes entières destinées à la vente sur les marchés des villes et des campagnes du Maghreb, où des hommes trafiquent d'eux comme s'ils étaient des bêtes ou même pis » étaient entrés dans les mœurs au point de devenir banal. Aussi, les gens n'avaient aucun scrupule puisqu'ils étaient persuadés, comme le souligne l'historien, que « la cause de leur asservissement est, selon la loi sainte, qu'ils sont noirs ». Dans l'esprit de beaucoup de Maghrébins, l'esclavage des Noirs se justifiait par des motivations raciales et racistes. Al-Nasri s'insurgea en tant que musulman : « Par Dieu, c'est la pire et la plus grande abomination contre la religion, car ces Noirs sont des musulmans, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs que nous ». Tout comme Ahmed Baba quelques siècles avant lui, al-Nasri ne rejette pas la mise en esclavage des kouffar mais il est un des rares historiens à avoir une vraie réaction humaine en reconnaissant clairement l'existence d'un racisme pernicieux. Il admettait que les esclaves que les Nord-Africains amenaient du Soudan occidental étaient des musulmans dans leur écrasante majorité et que, à moins d'une preuve autre que la parole des marchands d'esclaves (auxquels il ne faisait aucunement confiance puisque animés par l'esprit de lucre) les esclaves devaient profiter du bénéfice du doute et être libérés immédiatement. Il accusait donc clairement les marchands d'esclaves d'être des « hommes sans morale, sans vertu et sans religion ».

Al-Nasri, persiste et s'arrête sur l'excuse que l'on retrouvera exactement dans le discours esclavagiste aux Amériques : « Certains hommes honnêtes et quelques autres ont soutenu que les Noirs[14], aujourd'hui comme par le passé, font des razzias entre eux et se volent mutuellement leurs enfants, en les emmenant dans les lieux éloignés de leurs maisons et de leurs séjours, de la même manière que les Bédouins se pillent les uns les autres et se volent mutuellement leurs montures et leur bétail. Ils sont tous musulmans, mais ils se livrent à cela par manque de foi et absence de tout frein. Comment un homme scrupuleux sur sa religion peut-il se permettre de les acheter dans de pareilles conditions ? Comment peut-il se laisser aller à prendre leurs femmes pour concubines et risquer ainsi de se retrouver dans une relation sexuelle d'une légitimité douteuse ? »

Il est important de noter les dénonciations d'al-Nasri pour bien comprendre l'état d'esprit dans lequel se trouvaient les pays d'islam vis-à-vis de l'esclavage et, plus particulièrement, celui-des Noirs. Même si l'historien marocain raisonne selon un paradigme musulman acceptant l'idée que l'on puisse asservir légalement d'autres hommes lorsqu'ils sont non-musulmans, il rejette les préjugés raciaux qui ont fait du Noir une sorte de sous-musulmans dans toute l'Afrique du nord, en passant par la Turquie ottomane et le Proche-Orient durant plusieurs siècles. On peut au moins lui reconnaître d'être en accord avec sa foi et de ne pas l'avoir entachée d'une négrophobie scabreuse.

« Ce qui est certain, poursuit Malek Chebel, c'est que l'opposition Blanc/Noir équivaut en tous points à l'opposition maître/esclave : un classique ! Il n'est nul besoin d'ailleurs de dire ‘abd (esclave) : il suffit de dire "Noir". Dans l'inconscient collectif, le Noir est par définition l'esclave, et ce, malgré le très grand nombre de concubines blanches qui ont hanté les palais des sultans et de leurs vassaux. On a du mal à associer le Blanc à la servitude. La chronique arabe a nourri et cultivé cette opposition. Elle fourmille de milliers d'anecdotes où les vocables Noir, zandj et ‘abd sont pris comme synonymes, ou intervertis au gré des effets stylistiques souhaités par l'orateur »[15]

Notes:

[1] Jacques Heers «Les Négriers en Terre d'Islam », p. 28-32.

[2] Jacques Heers, op. cit. p. 102

[3] M. Chebel, op. cit. p. 162

[4] Oumar Kane « La première hégémonie peule : le Fuuta Tooro de Koli Ten̳ella à Almaami Abdul », éd. Karthala

[5] Cependant, la théorie de la destruction de l'empire du Ghana par les Almoravides est remise en cause par plusieurs historiens qui estiment que le Ghana était déjà en déclin.

[6] Murray Gordon « L'esclavage dans le monde arabe », p. 37

[7] B. Lewis « Race et esclavage au Proche-Orient » p. 83

[8] Sékéné Mody Cissoko «Tombouctou et l'Empire Songhay : épanouissement du Soudan nigérien aux XVe-XVIe siècles», édition L'Harmattan

[9] Bwemba-Bong « Quand l'Africain était l'or noir de l'Europe » Tome 2, éd. Menaibuc

[10] Jacques Giri « Histoire économique du Sahel : des empires à la colonisation », 1994 Karthala

[11] M. Chebel, op. cit. pp. 241-242

[12] Murray Gordon « L'esclavage dans le monde arabe », p. 38-39

[13] Murray Gordon « L'esclavage dans le monde arabe », p. 40

[14] J'ai toujours considéré cet argument d'un racisme innommable. Si l'on se place du point de vue d'un Songhaï du 15ème siècle, cela pourrait par exemple donner : « Les Blancs de la tribu de Turquie enlèvent de jeunes Blancs de la tribu des Slaves pour en faire des esclaves-soldats. Nous pouvons donc, nous Songhaïs, aller kidnapper des Suédoises - qui sont toutes aussi blanches que ces Blancs turcs et ces Blancs slaves - afin d'en peupler nos harems. Et si se lève un détracteur parmi les Songhais humanistes pour dire que ce commerce est infâme, expliquons-lui posément que les Blancs se razzient entre eux, qu'ils se chassent entre eux, se vendent comme du bétail, et vont même jusqu'à couper les testicules d'enfants pour en faire des êtres monstrueux. Argumentons sur le fait que c'est tellement naturel chez eux, qu'ils ont même appelé certains Blancs des « slaves » qui signifie rien moins que « esclaves », preuve de leur sottise et de leur dégénérescence. Alors pourquoi se plaindre lorsqu'eux-mêmes trouvent dans ces actes des réalités tout à fait normales ? »

La « traite des Noirs » est inventée par ceux-là même qui déterminent ceux qu'ils veulent asservir comme étant des « Noirs », faisant ainsi de toute personne mélanoderme un esclave potentiel. La « traite des Noirs » est une invention arabe puis européenne contrairement à ce que raconte un Éric Zemmour toujours aussi prompt à postillonner des âneries. Dans la même logique, on pourrait dire que l'antisémitisme a été inventé par les Juifs parce que si l'on remonte l'Histoire on trouvera des guerres entre divers clans au temps des Hébreux. On pourrait dire que les Noirs ont inventé le racisme anti-noir puisqu'ils se faisaient entre eux des guerres depuis toujours. Il est vrai que les nationalistes de la droite-extrême ont toujours eu beaucoup de mal à distinguer les « faits » et les « mobiles des faits ». Un Noir peut agresser un Blanc et inversement sans que ce soit un crime raciste : la qualification de « crime raciste » n'est pas liée à la couleur des protagonistes mais aux motivations. Ce n'est que lorsque les motivations raciales sont clairement définies et ont effectivement déterminées l'agression, que l'on peut parler de « crime raciste ». Cette confusion est une spécialité des sites et blogs victimaires d'extrême droite qui jouent sur la « distance raciale » entre agressés et agresseurs sans se soucier du mobile. Or c'est le mobile et lui seul qui détermine la qualification précise d'un crime.

[15] Malek Chebel, op. cit. pp. 45-46


* Partie 1 - L'esclavage des Noirs en terre d'islam
* Partie 2 - Le racisme antinoir ordinaire
* Partie 3 - A l'assaut de l'Afrique
* Partie 4 - La traite des Blancs en Europe
* Partie 5 - L'esclavage sexuel
* Partie 6 - Esclaves militaires, chasses aux nègres et razzias
* Partie 7 - Conclusion