DOSSIER: L’Esclavage des Noirs en Terre D'ISLAM - Autopsie d´un Génocide sans précédent?* 4/7
par Kham Piankhy
Qui sont les esclaves des Arabes ? Dans l'Arabie préislamique ont y trouvent des membres de tribus arabes opposantes et rivales, des Perses et des Éthiopiens - prisonniers de guerre. Durant la période islamique, les conquêtes vont amener des prisonniers d'une autre catégorie : ce sont les kouffar des terres conquises. Le terme kouffar est le pluriel de kafir et désigne, avec une certaine morgue, les incroyants qui sont jugés comme étant quasiment inférieurs (au regard du statut social et moral) aux musulmans. Les Arabes des premières décennies de l'expansion islamique razzient tout ce qui leur tombe sous la main : Circassiens, Géorgiens, Slaves, Germains, Bulgares, Éthiopiens, Zanj, Turcs, Perses, Berbères
Tout au long du Moyen-âge, l'approvisionnement en esclaves s'est peu à peu structuré sur une base commerciale grâce aux marchés d'Europe. Les esclaves slaves, c'est-à-dire slaves authentiques mais aussi plus largement européens à peau « blanche », étaient achetés sur les « côtes d'Allemagne, à l'embouchure du Rhin, de l'Elbe et du Danube »[1]. Les rois Germains (Charlemagne mais surtout Othon 1er pour les plus connus) ramenaient des milliers de captifs slaves et d'autres tribus germaines de leurs conquêtes. Les soldats du roi se partageaient généralement une bonne partie des prisonniers entre eux et l'on vendait le reste au marché aux esclaves de Verdun. De cette place forte, les esclaves étaient redirigés vers les marchés de Lyon, Narbonne ou Arles. Puis, à nouveau, les malheureux étaient réexpédiés vers l'Orient, l'Afrique du nord et l'Espagne andalouse, avec la complicité et la bénédiction des autorités.
La consommation d'esclaves dans les pays musulmans est tellement énorme que les marchands de Verdun, de Lyon, mais aussi ceux des ports du sud-ouest de la France bâtissent de véritables fortunes sur le dos des Slaves. Parmi les marchands qui vendent des esclaves blancs aux pays arabes, on trouve des négociants catholiques et des « négociants juifs » [2]. À Verdun, ces derniers sont bien implantés dans la « traite des Blancs » vers les pays musulmans. Ils sont les rois des marchands dans toute l'Europe où ils vendent des produits de toute sorte au point où « le langage est là pour le prouver : « juif » et « marchand » deviennent des termes synonymes »[3]. Verdun était une place forte de la vente d'esclaves mais on y fabriquait aussi des eunuques en concurrence avec Prague. Les jeunes esclavons étaient castrés ou totalement émasculés par des médecins juifs de la ville[4]. Mais c'est surtout l'Espagne musulmane qui digéra ce flot incessant de préadolescents blancs qui, au départ de l'hexagone, débarquaient au port de Valence ou d'Almería pour passer ensuite le reste de leur vie à servir leur maître à Cordoue ou ailleurs.
L'historien belge Henri Pirenne (mort en 1935) fit une excellente synthèse du rôle des commerçants juifs de l'époque carolingienne dans son livre « Charlemagne et Mahomet ». Voici ce qu'il écrit :
« [Les Juifs] sont affranchis du tonlieu et autres droits frappant la circulation, et placés sous la protection de l'empereur (sub mundeburdo et defensione). Ils peuvent vivre selon leur foi, célébrer leurs offices au palais, engager des Chrétiens ad opera sua facienda, acheter des esclaves étrangers et les vendre dans l'Empire, faire des échanges et trafiquer avec qui il leur plaît, donc au besoin avec l'étranger. Ce que nous savons des Juifs par les Formules est confirmé par ce qu'écrit Agobard dans ses opuscules, rédigés de 822 à 830. Avec fureur, il y relève les richesses des Juifs, le crédit dont ils jouissent au palais, les actes que l'empereur a fait apporter pour eux par des missi à Lyon, et la clémence de ces missi à leur égard. Les Juifs, dit-il, fournissent du vin aux conseillers de l'empereur ; les parents des princes, les femmes des palatins envoient des cadeaux et des vêtements à des femmes juives ; de nouvelles synagogues s'élèvent. On croirait entendre un antisémite parlant de « barons » juifs. On a incontestablement affaire ici à de grands marchands dont on ne peut se passer. On va jusqu'à leur permettre d'avoir des serviteurs chrétiens. Ils peuvent posséder des terres ; on en a la preuve pour le pays de Narbonne où ils sont propriétaires de terres qu'ils font cultiver par des Chrétiens, car ils ne sont pas ruraux. Déjà le pape se plaignait de cet état de choses en 768‑772. Ils ont aussi des terres et des vignes à Lyon, à Vienne en Provence, dans la banlieue des villes. Sans doute les ont-ils acquises comme placements de bénéfices.
Le commerce qu'ils font est donc généralement du grand commerce et c'est en même temps du commerce extérieur. C'est par eux que le monde occidental correspond encore avec l'Orient. L'intermédiaire n'est plus la mer, mais l'Espagne. Par elle, les Juifs sont en rapport avec les puissances de l'Afrique musulmane et avec Bagdad. Ibn Kordadbeh, dans le Livre des Routes (854‑874), nous parle des Juifs Radamites qui, dit-il, « parlent le persan, le romain, l'arabe, les langues franque, espagnole et slave. Ils voyagent de l'Occident en Orient et d'Orient en Occident, tantôt par terre et tantôt par mer. Ils apportent de l'Occident des eunuques, des femmes esclaves, des garçons, de la soie, des pelleteries et des épées. Ils s'embarquent dans le pays des Francs, sur la mer Occidentale, et se dirigent vers Farama (Peluse), [...] Mais leur grande spécialité, c'est, comme on l'a vu plus haut, le commerce des esclaves. Quelques-uns de ceux-ci se vendent dans le pays, mais la majorité est exportée en Espagne. On sait qu'à la fin du IXe siècle, le centre de ce commerce des esclaves et des eunuques était Verdun. Les renseignements sur la vente des eunuques datent du Xe siècle, mais déjà entre 891 et 900, les Miracula S. Bertini parlent des Verdunenses negotiatores se rendant en Espagne. D'après Luitprand, ce commerce rapportait un énorme bénéfice. Le commerce des esclaves avait été rigoureusement interdit en 779 et 781, et cette défense fut renouvelée en 845. Mais il continua néanmoins »[5]
La traite des esclaves est présente dans tout le Moyen-âge européen, pas seulement durant la seconde moitié. Les Mérovingiens (dynastie de « Francs Saliens » à laquelle appartenait Clovis) sont aussi esclavagistes que leurs successeurs carolingiens : c'est le vieil héritage romain que ces Germains « romanisés » perpétueront avec efficacité. En 583, le concile de Mâcon permit aux chrétiens d'acheter, aux trafiquants d'esclaves juifs de Narbonne et de Naples, les esclaves qu'ils vendaient afin de les libérer ou d'en faire le plus souvent des domestiques à leur service. Sur le marché de Marseille, on vendait des Saxons et des Maures dans la même période.
Les Varègues, des pirates/commerçants d'origine suédoise et danoise, faisaient des razzias sur les Slaves au cours desquelles ils ramassaient femmes, hommes et enfants à la pelle pour les réduire en esclavage. Ils revendaient leurs marchandises aux commerçants arabes, perses ou juifs. En 862, les tensions entre certaines tribus slaves permettront aux Varègues de s'installer sur leurs terres en maîtres. Ces ainsi que ces Scandinaves - que l'on appelait alors les rus - fonderont de petites principautés après s'être installés à Novgorod et à Kiev. D'années en années, ils se « slaviseront » et créeront l'État moderne de Russie.
En Espagne, les Chrétiens sous domination musulmane ne sont pas en reste : ils n'hésitaient pas à acheter des esclaves en petite quantité dans les marchés de Gaule pour ensuite retourner les revendre en Espagne.
Les Vénitiens sont sans doute les mieux organisés et les plus riches de tous les esclavagistes du continent. Ils commerçaient avec les Arabes à qui ils vendaient divers produits dont des esclaves slaves capturés sur les côtes de Dalmatie mais aussi des chrétiens de Grèce, des Lombards etc. Ce qui rendait fou de rage le doge de Venise qui interdira, en 873, le commerce d'esclaves. Là encore, en vain. Les marchands de Venise avaient un réseau très bien organisé grâce aux financiers de la ville qui investissaient sans rechigner dans des navires bien armés. Les hommes de terrain étaient de la racaille, des brigands sans foi, de mèche avec les financiers pour constituer une organisation parfaitement huilée. Lorsqu'en 1230 les cités italiennes de Florence et de Sienne prennent les armes pour s'affronter, le vainqueur florentin pille, viole, tue et réduit en esclavage le vaincu sans états d'âme. Durant la Renaissance, les cités italiennes de Venise, Florence, Sienne ou encore Gênes et d'autres marchandaient des esclaves d'Europe orientale et du Caucase sur leur sol.
[ Quais des esclavons à Venise ]
En 1204, les Vénitiens prirent la Crète et s'y installèrent pour plus de quatre siècles. Après y avoir fondé des colonies et créé des comptoirs, ils débutèrent de véritables chasses à l'homme à l'encontre des autochtones des îles Égée, des Grecs, des Chypriotes, des Albanais et des Crétois. Toute la zone était devenue un véritable « domaine de chasse ». Femmes, hommes et enfants sont victimes des assauts des capitaines de navires et autres pirates à la solde des rois catholiques - même si ces derniers affirment se désolidariser des actes criminels de leurs sbires. Les Vénitiens ne sont-ils pas reconnus dans l'Histoire comme étant les premiers à avoir raffiné le sucre en Europe ? Pour cela, ils plantèrent la canne à sucre en Crète et y faisaient trimer les esclaves grecs dans les champs, soit exactement ce qui se passera quelques siècles plus tard pour les Africains en Amérique.
Les Espagnols emboîtent le pas aux Italiens : ils créent la Compagnie catalane qui est ravitaillée en esclaves grecs émanant de prises de guerre et de razzias. Des femmes comme des enfants y figurent là aussi. Tout ce joli monde n'est plus païen mais schismatique, orthodoxe, ce qui aux yeux des mercantis suffit pour se donner bonne conscience et contourner le fait que l'Église interdit à tout bon chrétien d'avoir des esclaves « frères » - sauf quand ils sont noirs, bien entendu.
En fait, lorsque les Européens « tombent » sur l'Afrique quelques siècles plus tard, des historiens (Olivier Pétré-Grenouilleau en tête) soulignent avec une certaine jouissance qu'ils exploitent sur ce continent un « système déjà bien en place ». Bizarrement, personne ne souligne que l'esclavage et la traite d'êtres humains étaient d'abord et avant tout une véritable institution en Europe. On donne juste l'impression que les Européens s'étaient adaptés à un système institué exclusivement en Afrique pour alimenter les colonies d'Amériques de nègres alors qu'en fait la marchandisation de l'Homme - pas seulement l'exploitation de sa force physique à son profit mais le fait de le soumettre physiquement par les armes afin de l'échanger contre de l'argent et de s'enrichir ainsi - ne leur était absolument pas étrangère. Si les serfs remplacent peu à peu les esclaves dans toute l'Europe, on voit encore au 15ème siècle des esclaves en Espagne, en Provence, au Portugal, dans les Canaries et, comme je viens de le préciser, dans les principales cités d'Italie.
Les Arabes marchandent encore en Asie où, chez les Wakwak d'Indonésie, on retrouve les mêmes ruses et les mêmes vols d'enfants, comme nous le rappelle Les merveilles des Indes, ce texte arabe datant du 10ème siècle :
« Nous ne cessâmes de tromper les gens du village, de leur voler leurs enfants, de les acheter les uns aux autres contre un pagne, des dattes, des bagatelles, si bien que nous eûmes avec nous dans le navire une centaine d'esclaves grands et petits. Au bout de quatre mois, le moment du retour approchant, ceux que nous avions achetés ou volés nous demandèrent de ne pas les emmener et de les laisser chez eux, disant que nous n'avions pas le droit de les réduire en esclavage et de les séparer de leur famille. Nous ne prêtâmes aucune attention à ce qu'ils disaient. Ils étaient à bord : les uns avaient été mis aux fers, les autres étaient garrottés : les enfants avaient été laissés libres »
Notes:
[1] M. Chebel op . cit. p, 39
[2] Murray Gordon « L'esclavage dans le monde arabe », p. 69. Le rôle des marchands juifs est encore confirmé par Xavier de Planhol dans la vente d'esclavons aux Fatimides d'Égypte.
[3] Henri Pirenne « Charlemagne et Mahomet », p. 190
[4] Charles-Emmanuel Dufourcq « La vie quotidienne dans l'Europe médiévale sous domination arabe » cité par M. Chebel
[5] Henri Pirenne « Charlemagne et Mahomet », 1937, pp. 188, 189
* Partie 1 - L'esclavage des Noirs en terre d'islam
* Partie 2 - Le racisme antinoir ordinaire
* Partie 3 - A l'assaut de l'Afrique
* Partie 4 - La traite des Blancs en Europe
* Partie 5 - L'esclavage sexuel
* Partie 6 - Esclaves militaires, chasses aux nègres et razzias
* Partie 7 - Conclusion
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