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L’image globale de la crise au Zimbabwe : En attendant qu’une certaine presse Africaine se libère de la tutelle coloniale 3/4

L’impact social des médias

13. Le black out total de ces considérations dans les médias occidentaux est riche en enseignement. Au demeurant, la question des médias et de la désinformation relevée en début de page ne s’est pas accidentellement invitée dans les débats relatifs à la crise zimbabwéenne. Si elle est centrale en ce qui concerne cette crise, elle demeure en elle-même une problématique à part entière. Il est impossible de construire des sociétés démocratiques sans au préalable définir le rôle des médias et mesurer l’impact social de leurs activités.

L’impact social, tout est là. Si nous concevons la démocratie comme un système politique dans lequel les citoyens disposent des moyens de participer efficacement à la gestion des affaires les concernant et dans lequel les moyens d’information sont accessibles et indépendants, un minimum de précaution et de sérieux s’impose tant dans la « production » que dans la diffusion de l’information. Ce n’est pas pour rien qu’on affirme souvent que les médias constituent le quatrième pouvoir. Si c’est le cas, alors le pouvoir en Afrique vient de l’occident puisque les journalistes reprennent les informations des médias occidentaux presque intégralement.

L’enracinement de la démocratie dans les États africains requiert la mise en place d’un système médiatique efficace, aux ramifications étendues. Son impact social se mesurera dans sa capacité à informer et à mobiliser l’ensemble des citoyens dans l’optique d’une participation active à la vie politique. Le travail de Norbert ZONGO illustre parfaitement notre propos sur le type de journalisme utile au continent puisqu’il avait compris la nécessité de poser les questions fondamentales du pouvoir, de la répartition des ressources et des libertés publiques. Ce qui importe maintenant de souligner c’est : Qui pose ces problèmes ? Et à quelles fins ?

Certains fait sont passés sous silence dans les médias


14. En dépit des critiques sérieuses qui pèsent sur certains grands groupes médiatiques, beaucoup de journalistes du continent ne s’abstiennent pas de les prendre comme référence ou même dans le pire des cas, à reprendre entièrement le contenu de leurs publications. Pourtant, même la population en occident se méfie de ces grands groupes de presse. Ces médias ont uni leurs efforts pour diaboliser le Président Mugabe. Pour ne retenir que quelques exemples on peut citer RFI (qui n’a quasiment aucune existence dans le paysage audiovisuel français mais que tous les africains francophones connaissent), France 24, BBC et CNN. Ce qui est décisif c’est de comprendre que la pleine signification d’une information diffusée par ces médias, aussi banale soit elle, ne se laisse découvrir que relativement à des considérations d’arrière plan à forte charge idéologique. Il s’agit en réalité d’une idéologie caractéristique d’une Europe passéiste qui ne veut pas ou qui ne peut pas voir une Afrique se développer après s’être libérée de tous les parasites de racistes qui l’ont infectée depuis le XVI ème siècle. Le slogan est toujours identique : l’incapacité des Africains à…, les guerres, le sida, (ne freinez pas votre imagination)…en Afrique, les dictateurs africains…

15. Le problème du Zimbabwe va au-delà de ces marronniers des médias occidentaux avec leurs spécialistes des questions africaines. En effet, il a fallu cette fois-ci sortir le grand jeu. Celui auquel on est tous désormais habitué : campagne de désinformation, sanctions économiques, isolement de la scène internationale. Cette fois-ci le Conseil de l’insécurité, pardon de la sécurité, des Nations Unies a même eu droit à sa partition. Et tenez vous bien chers lecteurs du Faso, le Burkina allait joindre sa voix, n’eût été le véto russe et chinois, à celle de la France bien entendu et à celle de l’imaginaire communauté internationale pour l’adoption du projet de résolution qui a avorté.

Ce qu’il faut rappeler au sujet du Président Mugabe, sans chercher à l’exonérer de quoique ce soit, c’est qu’il s’agit d’un homme politique, le seul pratiquement en Afrique à avoir voulu une indépendance réelle pour son pays. Les développements précédents montrent que la question foncière est centrale et délicate à un point tel que même Mugabe qui représentait la ligne la plus radicale de l’indépendance nationale dû se plier à l’agenda fixé par les accords de Lancaster House. La grande Bretagne n’a en réalité que faire du développement du Zimbabwe. Qui plus est, elle n’a cure du respect des règles de transparence en matière d’élection.

Cela, elle l’a prouvé lorsqu’elle s’indignait avec les États Unis de l’éducation et de la santé presque totalement gratuite que Mugabe avait rendue possible dans son pays. Comme on l’a bien vu plutôt, elle a entrepris avec l’aide des États Unis et des fossoyeurs (FMI, Banque Mondiale) le démantèlement de l’économie du pays ainsi que des acquis sociaux. Et comme si cela ne suffisait pas, ces deux États ont bien décidé de ne pas financer la réforme agraire comme il avait été prévu.

Le MDC n'aurait pas pu gagner le premier tour si le Zimbabwe était une dictature...


16. La crise Zimbabwéenne ne se confine pas à la soif de pouvoir d’un dictateur résolu à se maintenir au pouvoir mais bien plus. Elle est très grave et nous devons l’appréhender comme telle. Les scores du MDC devraient d’ailleurs nous interpeller. Cela aurait été impossible sous une dictature. Ce parti dans lequel s’est fondu le Front Rhodésien de Ian Smith inquiète moins les jeunes Zimbabwéens qui n’ont pas connu les années difficiles. Ils n’ont connu que les années de prospérité économique rendues possible par ceux qui ont connu les humiliations et le racisme. Mugabe lui-même a vu ses parents expropriés et expulsés de leurs terres. Il faut l’admettre la tentation est vive. Cette nouvelle image de l’occident dépositaire des valeurs démocratiques, défenseur de la liberté est très suggestive. Mais ne soyons pas dupe.

La stratégie qui consiste à présenter le Président Mugabe comme responsable de la crise économique et social, c’est de cela qu’il s’agit avant tout, participe de celle qui tente d’effacer de manière définitive la responsabilité de l’impérialisme occidental dans les problèmes du Continent. C’est le cas à chaque fois. On a fait de Mobutu l’unique responsable des problèmes contemporains du Congo, alors même que l’exploitation et le pillage de ce pays s’est poursuivi encore et toujours de manière ininterrompue par la Belgique, la France et les États Unis.

Les Médias et la Démocratie

17. Cela nous incite à une profonde réflexion sur la nature de la démocratie et l’importance des medias en Afrique. En effet, la plupart des journalistes et des personnalités africaines et afro-américaines qui devraient pourtant être avertis ont repris les analyses occidentales à notre grande consternation. De Nelson Mandela, le héros de la lutte anti Apartheid, jusqu’au Révérend Al Sharpton – leader d’opinion afro-américaine – tous ont dénoncé, sous la pression de l’opinion publique occidentale savamment cuisinée par la presse, la « faillite du leadership » (dixit Mandela) et le manque de démocratie au Zimbabwe. Certains ont vite fait le parallèle avec la situation politique de leurs propres pays pour condamner Mugabe sans se rendre compte de la spécificité de la situation au Zimbabwe.
Certes, nous marchons sur une lame de rasoir mais c’est précisément dans ce genre de situation que la perspicacité est requise dans l’analyse. Si nous arrivons à décanter cette situation trouble, nous serons alors plus avertis sur d’autres cas moins obscurs où bon nombre de journalistes africains se complaisent pourtant dans la démission intellectuelle vis-à-vis de l’occident en reprenant leurs sons de cloche.

La démocratie : une fin en soi ?

18. Beaucoup de gens font l’erreur de croire que la démocratie est une fin en soi. Pour eux, il suffit juste qu’il y ait des élections claires et transparentes pour que le reste vienne tout seul : développement et prospérité économique. Or les enjeux de notre siècle ne consistent nullement en un conflit de classe entre pauvres et riches, entre élite et masse à l’intérieur d’un même pays, mais plutôt en un conflit d’intérêts entre nations. Ce conflit d’intérêts a commencé depuis le 15ème siècle entre l’Afrique et l’occident, par la mise en esclavage des uns au profit des autres ; puis a continué avec la colonisation où il fallait exploiter à la fois la force de travail et les richesses du sol et du sous sol de l’Afrique ;

et maintenant se poursuit sous une forme plus insidieuse : on met en place des dirigeants télécommandés et manipulables à souhait pour imposer à l’Afrique d’occuper la place à elle consacrée dans l’économie mondiale, celle de producteur et d’exportateur de matière première à bas prix et d’importateur de produits finis à des coûts très élevés. Tout le monde réclame l’indépendance politique et économique réel des pays africains, mais quand Mugabe se bât pour celle-ci il n’y a personne pour le soutenir.


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