19. Certes, la souffrance des zimbabwéens est réelle mais quand on va en guerre, que ce soit avec des armes ou avec des idées et des richesses, on est conscient de la souffrance de son peuple mais on y va parce que l’enjeu en vaut la peine. Il s’agit de supporter une souffrance actuelle avec l’espoir d’un mieux être et d’une plus grande liberté dans le futur. Le comportement du MDC et de beaucoup de nos leaders politiques (pouvoirs comme oppositions) en Afrique est affligeant. Pour la conquête du pouvoir on est prêt à vendre les intérêts de son pays, de son peuple. On est prêt à aliéner la souveraineté de son pays.
En dehors du MDC dont les accointances avec les intérêts étrangers sont avérées, beaucoup de leaders politiques africains comptent sur les puissances étrangères pour leur permettre d’accéder au pouvoir ; démocratiquement ou non. Pour beaucoup, l’invitation par un pays occidental est perçue comme un sacre, comme une bénédiction pour la conquête du pouvoir. Pendant les visites de certains chefs d’États africains dans les pays occidentaux, on observe des militants de partis d’opposition qui protestent contre leur présence sous prétexte qu’ils ne sont pas démocrates. A supposer qu’ils soient des autocrates, comment peut-on affirmer que son peuple est souverain s’il faut aller conquérir son pouvoir à Paris, Londres ou Washington ?
L’exemple de l’opposant tchadien N’Garledji Yorongar est frappant : pendant que la France aide militairement Idriss Deby à se maintenir au pouvoir, elle l’invite à Paris pour un séjour de quelques semaines et il accepte de s’y rendre, accordant des interviews aux médias français comme RFI. Comment peut-il encore critiquer l’ingérence la France dans les affaires du Tchad ?
Les journalistes africains sont-ils suffisamment bien outillés ?
20. La démocratie n’est donc pas une fin en soi mais ce qui compte réellement c’est d’avoir des dirigeants conscients des intérêts de leur peuple et aptes à les défendre. Dans tout État démocratique à l’occidental, il y a une interface entre le peuple et l’extérieur : c’est l’élite intellectuelle et surtout médiatique. C’est elle qui choisit quel fait médiatiser et quel autre minimiser ou ignorer ; et comment analyser et sous quel angle voir tout ce qui se passe dans le monde. Pour en prendre conscience, il suffit d’observer les médias des pays étrangers. Les médias sont très libres pour critiquer le fonctionnement interne de la démocratie, condition nécessaire pour éviter les abus, mais quand il s’agit d’une problématique internationale, vous serez stupéfait de la concordance de leurs analyses ; médias de gauche comme de droite et tous ceux qui se prétendent humanistes ou neutres.
Tous accordent leurs violons parce que leurs intérêts sont les mêmes vis-à-vis de l’étranger, de l’extérieur. Pour ce qui est de l’Afrique, les journalistes sont-ils vraiment tous membres d’une élite intellectuelle constituée ? Sont-ils suffisamment instruits et outillés pour comprendre les enjeux du monde ? Bien que certains répondent à ces critères, la grande majorité n’a même pas conscience de l’importance de son rôle, lequel consiste principalement à façonner l’opinion publique. Pour illustrer ce fait on peut prendre l’exemple de la RTB (Radiodiffusion Télévision du Burkina) qui reprend les informations émanant des chaînes étrangères, et tenez-vous bien jusqu’aux commentaires, comme actualité internationale de son journal télévisé. Pourquoi nos journalistes se contentent-ils de nous raconter l’agenda des ministres du gouvernement et nous mettent-ils des cassettes de journaux d’autres chaînes de télé alors qu’ils ont des cerveaux pour produire de l’information ?
Quelle naïveté de croire que nous avons les mêmes intérêts que ceux que nous écoutons ! Quelle naïveté de croire que leurs informations sont vraies, que leurs analyses sont objectives ! C’est comme cela qu’on se fait dicter l’agenda par les autres. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne la démocratie.
La démocratie est un idéal et il faut la considérer comme tel. Aucun État ne peut avoir la prétention de l’avoir complètement atteint. On peut alors se poser légitimement la question de savoir pourquoi ces États qui nous ont longtemps spoliés, voudraient s’ériger en modèle. Modèle très contestable que certains ne cessent pourtant de nous vendre comme un lac inépuisable de raison et de liberté, de justice et d’égalité où nous devrions puiser de quoi soigner les maux qui minent le continent. Du reste, ce n’est pas à l’aulne de leurs pratiques de la démocratie que nous devrions juger le Président Mugabe. D’abord rien qu’à voir le foisonnement des constructions théoriques qui hante la notion même de Démocratie, on est fondé à se douter de l’enjeu idéologique de sa définition et de l’ambition qu’elle incorpore à savoir diffuser le faux pour que l’on s’éloigne toujours du vrai, de l’authentique.
Le lien entre Démocratie et développement n’a jamais été établi. Au départ de tout développement, il y a l’homme et c’est tout. Le Pr KI ZERBO avait parfaitement compris cela lorsqu’il expliquait qu’ « on ne développe pas, on se développe ». Sauf à se réfugier dans cette définition de la Démocratie qui n’est rien d’autre qu’une description des modèles politiques des États occidentaux (chrétiens et blancs. Et ce n’est pas une coïncidence) on comprendrait sans difficulté que la Démocratie n’est pas un préalable au développement.
21. Ensuite à supposer même que ce soit le cas. Comment comprendre que ces journalistes qui se joignent à la presse occidentale pour condamner Mugabe passent sous silence les sérieuses et très pertinentes approches théoriques des Africains sur la Démocratie. La liste est longue et elle commence, si nous la limitons à la période contemporaine, avec Kwame N’Nkrumah qui après avoir tenté de la mettre en œuvre s’est vu renversé par la CIA avant de se consacrer à un travail essentiellement théorique sur le sujet. Elle a été l’obsession même d’hommes d’États comme Thomas SANKARA et Patrick LUMUMBA. Au registre des théoriciens on peut ajouter les Professeurs Cheikh Anta DIOP , Théophile Obenga et Joseph KI ZERBO (la liste est longue). Ce qui est commun chez ces hommes c’est leur démarche lucide et constructive. Lucide parce que les problèmes sont posés sans complaisance ni hypocrisie. Ils parlent pour la plupart de réalités qu’ils ont connues en tant que citoyen de leurs États respectifs et conscients de leur Africanité.
Leur approche est constructive dans ce sens qu’il ne s’agit pas de rafistolages théoriques empruntés ça et là pour faire figure d’intellectuels. L’autorité intellectuelle qu’ils incarnent devraient inspirer ne serait-ce que de temps à autres la prudence chez ceux qui se lancent sans âmes dans toutes les croisades décrétées par l’Occident via CNN, BBC et RFI. Mais on ne le répétera jamais assez, beaucoup d’Africains y compris des gens respectables sont encore emprisonnés dans le complexe d’infériorité, inconscient faut-il ajouter, qui les empêche de considérer comme objective toute pensée provenant d’un autre Africain.
L'opinion des peuples est forgée par les médias, qui en Afrique ont failli à leur mission
Pour conclure,L’un des grands enjeux de la démocratie de l’Afrique se résume à cette question : avons-nous des peuples aptes à comprendre réellement leurs intérêts pour qu’ils choisissent des dirigeants à mesure de les défendre ? Étant donné que l’opinion des peuples est forgée par les médias, si l’élite médiatique et intellectuelle est incapable de définir les intérêts réels du peuple ou pire encore si les peuples sont submergés par des médias étrangers avec d’autres objectifs, comment voulez-vous qu’ils soient conscients de leurs intérêts ? Si on contrôle notre pensée, on n’a plus rien à craindre de nos actions. Nous nous détruirons tout seul au profit des autres. Le cas du Zimbabwe est révélateur.
Beaucoup de journalistes et de personnalités africaines ont failli à leur mission. Ils se sont contentés du petit fragment du problème (organisations des élections) qui leur a été présenté par le système occidental au lieu d’en percevoir l’image globale. Vivement, que le temps vienne pour l’Afrique de « prendre soi-même ses propres initiatives pour ses propres intérêts, ainsi que font tous les peuples organisés et conscients de notre humanité. Il n’y a rien d’"anormal" à cela. On méprise le faible tout en lui souriant. On respecte le fort, on recherche son amitié même si on ne l’aime pas. Il faut prendre le taureau par les cornes. Rien d’autre. L’Afrique doit par conséquent se battre vraiment pour de grands enjeux qui lui soient propres, au cours du 21e siècle » comme nous le conseille Théophile Obenga.
Références.
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Sithole, M. (2001).
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Tahri, H. (2008).
- Seul Dieu peut me retirer le pouvoir. Extrait le 06 septembre, 2008, de http://www.elwatan.com/Seul-Dieu-peut-me-retirer-le
T. S. et W. R.
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