par Kiswensida Kaboré
De la nécessité pour les africains d'avoir des sources d'information fiables
1. La crise subvenue récemment à l’occasion des élections présidentielles au Zimbabwe montre la nécessité pour les africains d’avoir des sources d’informations fiables sur leur continent et sur le monde entier. En effet, la plupart des journalistes africains à quelques exceptions près ont enfourché le cheval de la propagande occidentale pour dépeindre Le Président Robert Mugabe comme un dictateur sanguinaire qui n’est mu que par la volonté de s’accrocher au pouvoir au détriment des intérêts de son peuple.
2. L’histoire récente de l’Afrique retiendra que c’est l’élection présidentielle qui aura le plus attiré l’attention du monde occidentale de part la quantité des reportages et des dépêches des médias ainsi que l’indignation quasi-totale des gouvernements respectifs de cette partie du monde. De la Grande Bretagne aux États-Unis en passant par la France, l’Allemagne et bien d’autres pays européens, tous ont dénoncé ce que d’aucuns qualifient de « simulacre électoral », de « mascarade » et d’autres d’ « élections illégitimes ne reflétant pas la volonté du peuple Zimbabwéen », se croyant certainement mieux placés pour connaître la volonté du peuple Zimbabwéen.
La plupart de ces pays ont refusé de reconnaître les résultats de ces élections. Les États-Unis sont même allés plus loin en proposant un projet de résolution aux Nations Unis, qui sanctionnerait les dirigeants du Zimbabwe pour non respect des règles démocratiques.
Mugabe n'est pas le pire des dirigeants africains
3. La principale question ici ce n’est pas de savoir si Mugabe est coupable ou innocent, il est clair qu’il n’est pas un démocrate exemplaire, qu’il aurait pu passer la main à quelqu’un de plus jeune après près de 28 ans passés au pouvoir. Mais il est tout aussi clair que Mugabe n’est pas le pire des dirigeants africains, encore moins la figure de l’autocrate. La principale caractéristique des régimes autocratiques est qu’ils ne « perdent jamais les élections qu’ils organisent » pour paraphraser le Président Gabonais Omar Bongo. Or en 2000, Mugabe a perdu le référendum constitutionnelle qu’il a organisé ; il a aussi perdu les élections législatives récemment organisées concomitamment avec les présidentielles au profit de l’opposition, il a même perdu le premier tour des présidentielles. Quel dictateur a-t-il déjà perdu des élections qu’il a lui-même organisées quand on connaît les méthodes de tricheries électorales : bourrage d’urnes, mauvais décompte, subornation de la commission électorale ?
4. Bien sûr les élections organisées récemment n’étaient pas parfaites, on peut en effet déplorer les violences – de tous les côtés d’ailleurs – qui ont entachées le scrutin. Mais est-ce la pire des élections jamais organisée en Afrique ? Non. Alors la question devient la suivante : pourquoi les pays occidentaux qui traitent avec, et reçoivent les pires dirigeants du continent africain se mettent tout à coup à défendre la démocratie en Afrique ? Les exemples font légions : Kadhafi a été récemment reçu en France par Nicolas Sarkozy, alors qu’il n’est même pas élu par voie électorale depuis qu’il est au pouvoir. Paul Biya du Cameroun a été récemment reçu en France, on lui a même consacré une interview sur la chaîne France 24, alors que récemment pour avoir protesté contre sa réforme constitutionnelle visant à se maintenir au pouvoir à vie, près d’une centaine de camerounais ont été tués. En avez-vous entendu parler sur CNN, BBC, Le monde, Le figaro, Le New York Times ? Une fois en passant tout au plus.
Le crime de lèse majesté de Mugabe ? Vouloir redistribuer les terres
5. Les médias occidentaux sont connus pour leur mépris de l’Afrique. Les africains sont absents de leur sphère de vision sauf quand il s’agit de les présenter comme une race en voie d’extermination, par des guerres, des maladies, des famines, et dont on doit s’apitoyer pendant de rares moments de compassion. Les élections dans les pays africains, les abus de pouvoirs ne les intéressent guerre. Les guerres en Irak et en Afghanistan ont été très médiatisées, de même que les accrochages dans certaines régions du monde. En revanche les interférences militaires françaises en Côte d’Ivoire et au Tchad entre autres ont été largement ignorées par les médias français en particulier ; eux, aptes à critiquer leurs homologues américains. Bref, depuis quand la démocratie en Afrique intéresse les occidentaux, leurs médias et leurs gouvernants ?
Le seul crime de lèse majesté que le Président Mugabe semble avoir commis est d’avoir voulu retirer les terres agricoles détenues à 70 % par moins d’1% de la population qui se trouve être blanche et d’origine européenne. On n’a vu des africains crier au loup avec les occidentaux, en se tenant à une vision superficielle de la crise au Zimbabwe. Certains dénoncent la pauvreté dans laquelle les zimbabwéens ont été plongés, l’inflation surréaliste comme preuve que Mugabe se fout du bien être de ses concitoyens. La question qu’ils ne se posent pas, c’est : pourquoi Mugabe qui dirigeait un pays prospère de 1980 à 2000 est subitement devenu un mauvais leader au point que son pays puisse plonger dans une crise économique ? Une investigation historique s’avère indispensable pour comprendre les dessous de cette crise.
Une descente dans l’enfer de l’histoire coloniale.
Un peu d'histoire...
6. Les deux principaux peuples qui composent le Zimbabwe sont les Ndebeles et les Shonas. Comme ailleurs en Afrique, les britanniques utilisèrent comme subterfuge la signature d’un traité de coopération en 1890 avec le roi des Ndebeles (royaume du Zambèze) via l’impérialiste britannique Cecil Rhodes, puis envahirent ensuite le territoire et exproprièrent les Ndebeles de leurs terres malgré leur forte résistance.
Peu de temps après, les Shonas subirent le même sort. Les colons britanniques chassèrent puis confinèrent les africains dans ce qu’ils appellent des « réserves » (faites le parallèle entre ce terme et les réserves naturelles consacrées aux animaux). Par la force, les massacres et l’imposition de conditions économiques impossibles à satisfaire par les africains, ils les obligèrent à céder leurs terres aux colons blancs. Les africains furent confinés dans des zones peu fertiles et peu propices à l’agriculture. Cette politique d’expropriation n’avait pas pour seul objectif de s’emparer des richesses du sol et du sous sol mais d’appauvrir les africains afin qu’ils n’aient d’autres choix que de travailler pour les Blancs comme ouvriers dans des conditions difficiles proches de l’esclavage.
Les africains furent exclus de toute possession foncière dans les villes. Les codes fonciers successifs - Land Acts- de 1930, 1967, 1969, entérinèrent le contrôle de près de 47% de la terre par les Blancs qui représentaient alors près de 5% de la population (Stone, 2007). En 2000, on estimait à plus de 70% la part de terres fertiles, occupée par moins de 1 % de la population composé des propriétaires terriens blancs.
7. L’injuste expropriation de la terre par les britanniques et leurs descendants est l’une des principales raisons de la lutte armée menée par Mugabe pour libérer son pays. En 1960, après des études universitaires l’ayant mené à Lusaka et au Ghana au cours desquelles il obtient 7 diplômes universitaires dont ceux de l’Université d’Afrique du Sud et de Londres, il revient dans son pays et se joint à Joshua Nkomo et son parti : la National Democratic Party (NDP), qui devient par la suite la Zimbabwe African Peoples Union (ZAPU). En 1963, il crée son propre parti : la Zimbabwe African National Union – Patriotic Front (ZANU-PF). En 1964, il est arrêté par le pouvoir suprématiste blanc puis emprisonné pendant 10 ans. En 1974, après sa libération, il se joint à la branche armée de son parti la Zimbabwe African National Liberation Army (ZANLA) au Mozambique pour combattre le régime raciste qui régentait alors le Zimbabwe.
Sous la pression de la guérilla menée par Mugabe et ses partisans, le pouvoir blanc signe les accords de Salisbury en 1978 avec les leaders noirs dits modérés instituant le principe des élections multiraciales, dans le but de marginaliser Mugabe (Tahri, 2008) . Mugabe refuse de cautionner ces accords qui ne cèdent rien sur le fond : le pouvoir administratif, militaire et économique reste toujours entre les mains des Blancs. En 1979, le pays réintègre le Royaume Uni comme colonie. Le Royaume Uni négocie alors les accords de « Lancaster House » qui accordent l’indépendance au pays mais maintiennent de facto les avantages acquis par les colons blancs pendant dix ans. Le Président Mozambicain de l’époque, Samora Machel convainc Mugabe de participer à ces négociations (Ngwa Zang 2008). Sur le plan politique, ces accords imposaient pendant dix ans 20% de députés blancs au parlement alors qu’ils ne représentaient que près de 5% de la population. En 1980, Mugabe et son parti : la ZANU, obtiennent la majorité des sièges au parlement. Il devient alors le premier ministre puis le président d’un Zimbabwe nouvellement indépendant.
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