Realisée par Abdoulaye Villard Sanogo et Paul D. Tayoro (18.12.08)
Les médias occidentaux et leurs mandants ont dit tout ou presque sur la crise au Zimbabwe. Sauf qu'ils n'ont même pas effleuré l'essentiel : l'origine de la crise qui secoue cet important pays de l'Afrique australe. Le professeur Biaka Zasséli, professeur de philosophie, doyen de l'URF des Sciences de l'homme et de la société de l'Université d'Abidjan, lui, ne se fait pas tirer les oreilles pour rappeler ces faits, têtus, dont les confrères étrangers se gardent de parler. La guerre de libération, la proclamation de l'indépendance, la prise des armes par le MDC (parti des Blancs), les accords signés entre Mugabe, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour le rachat des terres et qui n'ont jamais été respectés... le professeur Biaka passe tous ces sujets au peigne fin. Des révélations à vous couper le souffle mais qui vous aideront à comprendre le bien-fondé des pressions diverses exercées sur le vétéran Mugabe.
Professeur, vous êtes un spécialiste des conflits et vous connaissez bien le Zimbabwe. Que se passe-t-il exactement dans ce pays ?
Il se passe que les forces internationales ont décidé de liquider ce pays. Voilà un pays qui était parmi les plus occidentalisés de l'Afrique. Le Zimbabwe, c'est la Rhodésie. C'était un pays dirigé par des Européens, à l'image de l'Afrique du sud. Le mouvement de libération arrive à terme. Mugabe prend le pouvoir, il refuse de le céder aux Européens et d'être un homme de paille. Conséquence, il doit faire face à une rébellion armée conduite par le MDC, le parti des Blancs, pendant 10 ans. Puis, on signe des accords. Mugabe ne voulait pas arracher les terres aux Blancs, il voulait les racheter, ce qui est moralement juste. Le MDC revient comme parti politique après avoir abandonné la rébellion. Il se donne un dirigeant noir, Morgan Tswangirai, pour partir à l'assaut du pouvoir après avoir, par les ajustements structurels, affaibli complètement le pays et le gouvernement. C'est comme ça qu'on va aux élections et que des problèmes se posent.
Vous ne parlez pas de cette affaire de choléra qui tue les populations sans que le gouvernement ne semble ému
Le choléra est une autre dimension de la crise du Zimbabwe. C'est une autre arme utilisée contre le Zimbabwe pour dégrader son image du Zimbabwe et l'affaiblir. Le choléra, en tant que tel, est-il un problème ? C'est une maladie ! Cette épidémie, la Côte d'Ivoire l'a connue, le Burkina l'a connue ! Et au Zimbabwe, on proclame que c'est un homme qui en serait responsable parce qu'il est le président. C'est l'amplification d'un événement pour discréditer un peu plus le président des Zimbabwéens. L'objectif est de faire croire qu'il y a péril en la demeure pour justifier l'assaut, afin que le Zimbabwe soit pris par le bloc qui dirige le monde. C'est tout !
Vous avez dit que le MDC s'est donné un dirigeant noir. Parlez-nous un peu de ce parti.
Le MDC est un parti de Blancs. Il a été créé au lendemain de l'indépendance en 1980. De 1980 à 1990, le MDC a mené une rébellion armée contre Mugabe, avec l'appui de l'Afrique du sud de l'Apartheid et des Etats-Unis. A l'indépendance, le MDC qui ne représente que 10% de la population accepte de rentrer dans la République et utilise son pouvoir financier pour recruter des militants. Mais comme la politique européenne est toujours basée sur la division ethno-tribale, ils se sont appuyés sur les groupes ethniques opposés à l'ethnie de Mugabe pour arriver à faire du MDC, un parti politique. Aujourd'hui, pour la campagne électorale, ils ont reçu de l'argent des Etats-Unis. Résultat : Tswangirai a pensé qu'il a gagné. Le MDC est un parti de Blancs, un parti rebelle, un parti de connivence avec les intérêts internationaux. Le MDC est un parti qui utilise un Noir pour se donner une couleur locale, autochtone, une couleur de la majorité avec laquelle il lui devient possible de prendre le pouvoir.
Le MDC est comme tous ces partis qui sont nés à partir de 1990, en Afrique, et dont le but était de remplacer les partis uniques. Des partis dirigés la plupart du temps par des technocrates venus de la Banque mondiale, du FMI, de la jet set économique. Ceux qui ont créé de nouveaux partis partout dans le tiers monde, ont créé des problèmes socio politiques. Même la Côte d'Ivoire se trouve dans ce cas. Ces nouveaux partis sont nés avec une seule visée : s'emparer du pouvoir pour permettre la mise en application d'un No man's land économique qui irait de l'Asie à l'Amérique du sud, où il n'y aurait ni loi, ni règle et où les investisseurs occidentaux pourraient investir tous les capitaux sales de la mafia. Voilà !
Vous semblez dédouaner Mugabe sur toute la ligne. N'y a-t-il rien à lui reprocher ?
Si ! C'est d'avoir cru que les Européens pouvaient oeuvrer à l'indépendance réelle d'un Etat africain. Cela a été sa grande erreur. C'est l'erreur innocente de tous les leaders africains d'avoir cru en l'Europe, et de n'avoir pas compris que les Occidentaux, par les indépendances, mettaient en place de nouvelles stratégies de domination qui leur revenaient moins chères. Parce que dominer avec des hommes sur le terrain coûte plus cher que dominer par des structures internationales. La preuve, lorsqu'en Côte d'Ivoire, le président Houphouët que tout le monde sait pro occidental, dit que le prix des matières premières n'est pas bon, la Côte d'Ivoire est immédiatement asphyxiée, vous comprenez !
Moi, je ne parle pas des hommes. J'ai affaire à un système qui fonctionne et dont le but est de maintenir toute l'Afrique, toute l'Amérique du sud, toute l'Asie, sous le contrôle de l'Occident ( )
Ce sont des techniques politiques mises en oeuvre comme celle qui commence en 2003 en Côte d'Ivoire. Ici, c'est le lieu d'expérimentation du «power share», c'est-à-dire un gouvernement qui ne bouge pas, qui ne marche pas, qui ne fait rien, qui laisse le pays tel qu'il est et qui permet son exploitation à moindre coût. Ce qu'on a appliqué en Côte d'Ivoire, on a voulu l'appliquer au Cameroun, en Guinée. Qu'a-t-on demandé au Zimbabwe ? On a demandé au Zimbabwe d'appliquer la même politique qu'en Côte d'Ivoire. Un gouvernement de transition qui serait un gouvernement d'union et dont le seul but est de ne pas fonctionner. Voilà !
Vous êtes excessif contre les gouvernements d'union
Non, pas du tout. Le gouvernement d'union est un gouvernement non gouvernemental. Son but est d'empêcher le fonctionnement de l'Etat. Et quand l'Etat ne fonctionne pas, chacun peut faire ce qu'il veut puisqu'il appartient à un parti. Et tous les vols, toutes les escroqueries deviennent possibles. Le gouvernement d'union nationale est la foire à la dislocation de l'Etat. C'est la braderie comme il y en a à Belleville, à Kouté, à Koumassi. On vend ce qu'on veut comme on peut, à moindre coût, parce que le pays est considéré comme étant en fin de cycle.
Vous comparez la Côte d'Ivoire au Zimbabwe.
Oui ! Pour comprendre la crise du Zimbabwe, prenez le schéma ivoirien et vous verrez que, point par point, étape par étape, c'est le même. Ils sont là où nous étions en 2003. Premier point, le "power share", le gouvernement d'union. Deuxième point, nous avions la crise des enfants qui travaillent dans les plantations, eux, ils ont le choléra. Nous avons eu la crise du président qui n'avait que des partisans traités de voyous et de délinquants. Là-bas, il a ses vétérans eux aussi traités de voyous et de délinquants.
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