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La Finance et ses Monstres Contre les Peuples Africains - L’Afrique Trahie

Le caractère systémique du problème est alors identifié : « En ce qui concerne les pays africains, pour lesquels les exportations de produits de base représentent bien au-delà de 70 % de leurs recettes en devises, le problème est devenu essentiellement un problème de développement. [...] La persistance des problèmes posés par la dépendance à l’égard des produits de base au cours des trois dernières décennies montre que les marchés n’ont pas été capables de résoudre ces problèmes et qu’il ne faut pas compter qu’ils le puissent. On pourrait aussi avancer que l’appui limité de la communauté internationale aux systèmes traditionnels de soutien et de stabilisation des prix a été pour beaucoup dans cet échec. Il est donc grand temps que la communauté internationale s’attaque clairement au problème des produits de base dans tous ses aspects en explorant méthodiquement tous les moyens susceptibles d’être mis en œuvre pour le résoudre |23|. » Par exemple, en remettant en cause l’interdiction de toute forme de protectionnisme et en refusant la logique de dérégulation forcée de l’OMC…

Dans cette optique, il faut se méfier des demandes d’ouverture des marchés du Nord aux produits du Sud, qui finalement ne font qu’exiger encore plus de dérégulation pour l’économie mondiale. Le sommet de l’OMC à Cancun en septembre 2003 a échoué car des pays émergents (Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud, etc.), regroupés au sein du fameux G20, ont exigé une ouverture commerciale pour leurs produits qu’ils n’ont pas obtenue. Mais cette revendication du G20 va dans le sens d’une plus grande libéralisation ! Au contraire, exiger la possibilité pour les pays du Sud de protéger leurs producteurs, notamment pour leur permettre d’approvisionner le marché national, ainsi que le marché régional dans le cadre d’accords économiques régionaux |24|, enclenche un processus inverse qui permet d’éviter l’impasse actuelle. Il est essentiel de faire valoir les complémentarités possibles entre les pays du continent d’une part, entre eux et les autres régions du monde d’autre part. Pourquoi ne pas imaginer des prix préférentiels pour des pays proches sur des produits particuliers, et des tarifs plus élevés envers les grandes puissances ?

OGM : Officiels garantis manipulables…

Un autre angle d’attaque des multinationales du Nord concerne les organismes génétiquement modifiés (OGM) |25|. Depuis plusieurs années, le secteur des biotechnologies tente de promouvoir ses produits sur le continent africain. On connaît l’enjeu colossal des OGM, qui permettent à la société détentrice du brevet de revendre chaque année aux paysans les semences de la plante ainsi que les pesticides et herbicides chimiques auxquels elle résiste. La plante devient alors une éponge à produits chimiques nocifs, et le paysan n’a pas le droit de replanter des graines issues de la récolte précédente, seule la société qui a fait breveter l’OGM en question peut les lui fournir. Les agriculteurs et les consommateurs ne sont pas favorables à ce procédé qui soumet les uns à la rapacité des multinationales et expose les autres à des risques sanitaires qui ont été très insuffisamment étudiés. Mais les profits espérés sont tels pour le secteur des biotechnologies, la multinationale états-unienne Monsanto en tête, qu’il cherche à les introduire dans toutes les régions possibles. Une fois plantés, les OGM peuvent se répandre à des dizaines de kilomètres alentour et contaminer des plantes saines, empêchant par exemple toute agriculture biologique dans les environs. Une vraie traînée de poudre… En 2004, le soja, le maïs, le coton sont les plantes les plus concernées par les manipulations génétiques, et des pays comme les États-Unis, le Canada, l’Argentine, la Chine (à un degré moindre le Brésil et l’Afrique du Sud) en sont devenus de grands producteurs. L’Union européenne a résisté, mais est sur le point de plier prochainement. L’offensive a eu lieu également en Afrique.

En 2002, suite à une période de famine en Afrique australe, les États-Unis ont proposé, via le Programme alimentaire mondial (PAM), une aide à six pays sous forme de maïs génétiquement modifié. Ils ont délibérément choisi un moment où ces pays étaient en position de faiblesse pour frapper fort. Le Swaziland, le Lesotho et le Malawi ont accepté ; le Mozambique et le Zimbabwe ont demandé de recevoir le maïs sous forme de farine pour qu’il soit impossible de le planter. Un seul pays a eu le courage de dire absolument non : la Zambie. Son président, Levy Mwanawasa, a choisi d’affirmer : « Nous préférons mourir de faim que de consommer quelque chose de toxique |26| ». Sa fermeté a payé puisqu’il a pu recevoir du maïs non-OGM ! Derrière l’argument sanitaire, il y avait aussi la volonté pour lui de rester présent sur le marché européen où un moratoire sur les OGM existait. Cette année-là également, le Bénin a décidé un moratoire de 5 ans sur les OGM. Pendant ce temps, Monsanto se permettait de financer des juristes africains pour qu’ils préparent des lois favorables aux OGM… Chacun fourbit ses armes pour le combat qui s’annonce.

En avril 2004, le Soudan, à son tour, a refusé l’aide alimentaire des États-Unis à cause de la présence d’OGM, et l’Angola a posé comme condition que les céréales soient moulues avant leur entrée, suscitant la colère des responsables du PAM. Le mois suivant, la Zambie réitérait son refus, arguant que les promoteurs des OGM devaient démontrer leur innocuité, ce qu’ils n’avaient pas fait. Mais le Nigeria a accepté de se lancer dans un projet biotechnologique, avec l’aide d’un prêt de 2,1 millions de dollars de la part des États-Unis |27|.

Les États-Unis ont alors repris leur offensive avec un nouvel allié sur le continent africain : le Burkina Faso |28|. Depuis 2003, Monsanto et la firme suisse Syngenta mènent des expériences de coton transgénique dans le pays dirigé par Blaise Compaoré. En juin 2004, les États-Unis ont organisé à Ouagadougou une « Conférence ministérielle inter-africaine sur l’exploitation de la science et de la technologie pour accroître la productivité agricole en Afrique », regroupant quinze pays d’Afrique de l’Ouest afin de les convaincre. Même s’ils se sont montrés prudents, les chefs d’États malien, ghanéen et nigérien se sont déclarés favorables aux OGM. Malgré des oppositions résolues au sein des mouvements sociaux, le ministre burkinabè de l’Agriculture, Salif Diallo, a même lancé : « Si nous devons manger les OGM et mourir dans 20 ans, on le fera |29| ». Le choix ainsi proposé entre famine et OGM est vicieux : il est tout à fait possible de lutter contre la faim en remédiant à l’inégalité de répartition de la production et en augmentant la productivité agricole en Afrique sans en passer par les biotechnologies. Le point fondamental est en fait celui de la souveraineté alimentaire. Au contraire, les OGM annoncent une nouvelle dépendance pour l’Afrique de l’Ouest, puisque les paysans ne peuvent pas utiliser librement les semences d’une récolte sur l’autre, et deviennent de ce fait totalement soumis à la firme qui les leur vend.

L’instrument pour obtenir cette dépendance supplémentaire est tout trouvé. Selon le sous-secrétaire d’État des États-Unis chargé de l’Agriculture à l’étranger, John Penn (qui était présent à Ouagadougou), « tout rejet de produits issus de la biotechnologie est une violation des règles de l’OMC |30| ». On voit d’autant mieux l’intérêt de mettre l’OMC hors d’état de nuire…

Migrer, pour échapper à la misère

Par ailleurs, l’horreur économique vécue par l’Afrique depuis les années 1980 a constitué pour les populations du Sud une profonde incitation à fuir : par nécessité, pour la survie même de familles entières. La preuve de la motivation économique de ces migrations est donnée par un chiffre de la Banque mondiale : celui des sommes envoyées chaque année par les migrants africains vers leur pays d’origine. En 2003, il s’élevait à 4,1 milliards de dollars, montant colossal pour tous ces travailleurs économisant patiemment chaque sou. Encore ce montant n’inclut-il que les transferts officiels via une entreprise de transfert de fonds, les transferts informels étant estimés supérieurs à ceux-ci. Selon la Banque mondiale en avril 2004, tous ces transferts des migrants sont devenus « une source majeure de financement externe du développement pour beaucoup de pays en développement |31| ». Contrairement à l’aide publique au développement (APD) qui inclut aussi bien les salaires des coopérants du Nord que les voyages et missions des experts, cette somme arrive intégralement sur place (si l’on soustrait tout de même les frais de transfert prélevés par des organismes comme Western Union, de l’ordre de 20 % du total pour de petites sommes et environ 8 % pour un montant de l’ordre de 400 euros).

Loin de favoriser la liberté de circulation et d’installation de ces migrants qui joue un rôle essentiel dans l’économie des pays du Sud, les pays du Nord, et en tout premier lieu ceux de l’Union européenne, ont mis en place des politiques d’immigration à la fois restrictives (contrôles aux frontières, répression) et utilitaristes. Il convenait en effet de choisir les « bons » étrangers : schématiquement, on favorise la venue au Nord des médecins, des ingénieurs et des informaticiens, on accepte même de financer une partie de leurs études supérieures si nécessaire (qu’on compte alors dans l’aide publique au développement, comme le font la France, l’Allemagne, l’Autriche et le Canada), mais on refuse fermement ceux qui n’ont que leurs bras et leur détresse à faire valoir. C’est ainsi que sur les 600 médecins formés en Zambie depuis l’indépendance en 1964, 50 seulement ont continué à exercer dans le pays. Dans le même ordre d’idées, il y a davantage de médecins malawites qui exercent dans la ville anglaise de Manchester qu’au Malawi même |32|. Seuls les cerveaux du Sud ont le droit de fuir.

Un rapport de l’Unesco publié en 2004 fut consacré à la fuite des compétences en Afrique : « d’une part les pays en développement, avec des ressources de plus en plus réduites forment des cadres qui vont aller travailler dans les pays développés, d’autre part les diplômés nationaux restés sur place sont confrontés au chômage alors que des projets, financés par des partenaires au développement, recrutent, à grands frais, des expatriés pour ces projets ! A titre d’exemple on peut évoquer la situation décrite, par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) au Burkina Faso, où 800 experts internationaux travaillent alors qu’un nombre plus élevé de nationaux diplômés sont au chômage |33|. »

Depuis 1992, les accords de coopération intègrent des clauses de contrôle des migrations par le pays du Sud lui-même, comme sa participation à la gestion des flux migratoires, des contrôles renforcés aux frontières, ou le principe de réadmission sur son territoire des citoyens de ce pays qui seraient tout de même parvenus en Europe. Une des portes de sortie d’Afrique vers l’Europe est la Libye. Depuis le revirement pro-occidental du colonel Kadhafi, l’Italie a incité l’Europe à lever son embargo sur les armes à destination de la Libye, ce qu’elle a obtenu le 11 octobre 2004, afin de pouvoir coopérer militairement |34|. L’Italie, l’Allemagne et la Grande-Bretagne ont ensuite émis le souhait de créer en Libye des camps qui serviraient sans doute à sélectionner les Africains candidats à l’exil et à en bloquer le plus grand nombre avant leur traversée de la Méditerranée. Pour sa part, en 2004 toujours, la Libye a accepté de contrôler sévèrement ses frontières et de procéder au retour des migrants d’Afrique subsaharienne dans leur pays d’origine. Des charters vers l’Afrique subsaharienne ont été affrétés, rapatriant environ 40 000 clandestins en quelques mois |35|. L’Europe fait donc faire maintenant le travail de gardiennage à des pays africains. L’aide et la dette autorisent toutes les dérives. La dette, par l’hémorragie de capitaux qu’elle induit, constitue l’obstacle principal à la satisfaction des besoins humains fondamentaux, et explique donc les flux migratoires de « réfugiés économiques » des pays en développement vers les pays les plus industrialisés.

Afin de remédier à ces profonds dysfonctionnements, les Nations unies ont rédigé une Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille |36|. Entrée en vigueur le 1er juillet 2003, elle a fait l’objet, en avril 2005, de 28 ratifications. Mais parmi ces 28 pays engagés pour la protection des migrants, ne figure aucun pays parmi les plus industrialisés |37|.

Trahison financière des riches Africains qui détournent des sommes considérables et les placent loin du continent, trahison commerciale des grandes puissances qui manipulent les cours des matières premières et qui imposent via l’OMC une dérégulation forcenée, trahison environnementale pour un Sud transformé en poubelle et désormais au coeur de la bataille des OGM promus avec vigueur par les multinationales de l’agro-business, trahison humaine à travers le sort réservé à des migrants qui tentent juste d’échapper à la misère, la liste est bien longue. Cette trahison multiforme des peuples africains est absolument constitutive de la situation actuelle du continent noir. Il est essentiel de mettre hors d’état de nuire ceux qui en portent la responsabilité.

notes articles:

|1| Voir www.survie-france.org

|2| Lors de la mascarade électorale de juin 2003, Jacques Chirac avait d’ailleurs félicité Eyadema pour sa réélection avant même la proclamation officielle des résultats…

|3| Cité par Jeune Afrique/L’Intelligent, 1er février 2004.

|4| Traoré Aminata, Le Viol de l’imaginaire, Actes Sud/Fayard, 2002.

|5| Voir Abramovici Pierre, « Les jeux dispendieux de la corruption mondiale », Le Monde diplomatique, novembre 2000.

|6| Voir le site de l’OCDE : www.oecd.org

|7| Cité par Libération, 4 juillet 2003.

|8| Le Monde, 6 septembre 2000.

|9| Commissions qui reviennent dans le pays où la société qui verse cette commission a son siège.

|10| Libération, 3 août 2004.

|11| Jeune Afrique/L’Intelligent, 17 avril 2005.

|12| Jeune Afrique/L’Intelligent, 25 juillet 2004.

|13| UNECA, Rapport économique sur l’Afrique 2003. Voir aussi : Boyce James K., Ndikumana Léonce, Is Africa a Net Creditor ? : New Estimates of Capital Flight from Severely Indebted Sub-Saharan African Countries, 1970-1996, Working Papers from Political Economy Research Institute, University of Massachusetts, 2000, www.umass.edu

|14| Banque mondiale, Global Development Finance 2004.

|15| www.ml.com

|16| Cnuced, Le développement économique en Afrique. Résultats commerciaux et dépendance à l’égard des produits de base, 2003.

|17| Cnuced, op. cit.

|18| Cnuced, op. cit.

|19| Chiffre donné par la banque Barclays à Londres et cité par RFI, 12 janvier 2005.

|20| RFI, Chronique des matières premières, 19 juillet 2004.

|21| Cnuced, op. cit.

|22| Cnuced, op. cit.

|23| Cnuced, op. cit.

|24| Comme l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), etc.

|25| Voir www.infogm.org

|26| Libération, 22 août 2002.

|27| Voir www.ictsd.org

|28| Voir www.ictsd.org

|29| Dépêche AFP, « Conférence sur les OGM à Ouagadougou : le gouvernement américain "satisfait" », 24 juin 2004, voir www.agripress.be

|30| Dépêche AFP, ibid.

|31| Banque mondiale, Global Development Finance 2004.

|32| Le Gri-gri international, 9 décembre 2004.

|33| Unesco, La fuite des compétences en Afrique francophone. État des lieux, problèmes et approches de solutions, 2004.

|34| RFI, 12 octobre 2004, www.rfi.fr

|35| Jeune Afrique/L’Intelligent, 24 octobre 2004.

|36| Voir www.unhchr.ch

|37| Voir www.december18.net



DEUTSCHE ÜBERSETZUNG kommt bald...


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