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Robert MUGABE, Victime de la Bêtise Occidentale - Eine Interview avec le Prof. Biaka Zasséli 3/3

Moi, je pense qu'il est du devoir de l'intellectuel africain de soutenir la justiceJe n'ai pas dit que Mugabe était un ange. Je dis que le procès qui lui est fait est un mauvais procès. Ce procès a été fait à la Côte d'Ivoire, il est fait partout où des hommes décident de refaire le monde, où des gens ont un idéal qui n'est plus d'être au service de la jet set internationale, là où on se fait manger en mangeant. Et dans ce système-là, il y a les Etats occidentaux, il y a les structures internationales comme l'ONU et les forces locales exploitées et intégrées. C'est tellement simple à comprendre.

Il y a ceux qui se sentent forts et qui ne veulent pas que cette force soit remise en cause. Et il y a ceux qui se sentent faibles et qui se disent qu'il faut qu'ils se révoltent à un moment, sinon ils vont mourir. Et nous sommes placés dans la situation où l'Afrique va mourir, parce que si nous ne nous révoltons pas comme l'Amérique du sud, comme l'Asie, pour construire nos pays, pour commencer à penser autrement, nous allons être exclus du monde.

Quelle forme doit prendre cette révolte que vous appelez de tous vos voeux ?

Evidemment, cette révolte ne peut pas être militaire parce que l'Occident et ses alliés détiennent la puissance militaire. Elle doit être, avant tout, une éducation au patriotisme. Il faut que les hommes aiment leur pays comme eux-mêmes. Il faut ensuite mettre en place un programme de communication internationale pour expliciter nos positions, pour permettre à tout le monde de suivre la révolution que nous voulons engager. C'est sur ces deux points que nous pouvons affronter l'Europe.

Vous avez dit communication. Mais elle coûte cher

Oui !La communication, c'est pour les riches. Ils l'ont créée pour eux-mêmes, pour être en contact et savoir comment étouffer tous les autres pays. Malheureusement, pour eux, la communication est toujours ouverte. Les pauvres peuvent donc aussi l'utiliser pour dire que les riches sont en train de les étouffer. Mettre en place des structures capables de relayer le message, remettre en place dans tous les pays, la culture civique et patriotique. Non pas les petits cours de moral, non. Mais le rituel du patriotisme, c'est-à-dire le retour du salut au drapeau, à l'hymne national et à tous les rites de fin d'année où les hommes rendaient hommage à leur pays. Il nous faut retourner aux nations en montrant que la seule chose qui donne un sens à la vie d'un homme sur terre, c'est la nation après les parents.

Le mot nation vient d'un mot latin qui veut dire naissance. Ceux qui sont nés ensemble. Donc, la nationalité, c'est le fait de devenir frères et soeurs avec ceux avec qui nous ne sommes pas nés ensemble. Le citoyen est le frère de l'autre citoyen. La seule différence est que la fraternité est fondée sur le sang et la citoyenneté est fondée sur la loi, la possibilité qu'offre la loi à des hommes de devenir frères. Nous devons cultiver ce sens. C'est par là que nous trouverons notre salut.

Que nos dirigeants se donnent une vision. La vision permet de croire. Vous ne pouvez pas diriger si vous ne croyez pas, si vous croyez en rien. Un chef a un idéal à partir duquel il fait les sacrifices utiles.

L'Afrique a-t-elle encore le temps de mettre en oeuvre cette stratégie de résistance dont vous parlez ? N'est-il pas trop tard pour le Zimbabwe et pour beaucoup d'autres pays ?

Il se peut que la crise emporte le Zimbabwe, mais cela sera temporaire. Le problème de la domination, c'est qu'elle a toujours une limite. Cela s'appelle la limite du mur. Quand vous dominez un homme, il recule, cède, jusqu'à ce qu'il arrive au mur. Et là, il ne peut plus reculer, il est obligé d'avancer pour se libérer. C'est pour cela qu'aucune domination ne peut être éternelle.

Si le Zimbabwe est emporté, si la Côte d'Ivoire est emportée, cela ne mettra pas fin au fait que tous les hommes du tiers monde ont compris qu'ils doivent affronter l'Europe pour reconquérir leur liberté. Je pense que, plus que jamais, le moment est propice parce que l'Occident est en crise. Nous devons en profiter pour trouver les moyens de sauver nos Etats, parce que plus les pays riches sont en crise, plus ils sont dangereux pour les pays vassaux. Et pour nous, la première chose à faire, c'est de ne plus avoir peur. Au fond, nos hommes politiques ont tellement intégré leur condition de dominé, qu'ils n'osent pas. Ils doivent oser, ils doivent prendre des initiatives et ils doivent accepter les sacrifices qui vont avec.

Cette vision des choses ne va-t-elle pas au-delà de la simple action politique ?

Vous savez, il faut toujours des leaders pour que quelque chose se fasse. Les hommes peuvent se lever tous, mais à un moment donné, on dira : qui va parler en notre nom ? Il y a toujours quelqu'un qui parle au nom des autres. Et c'est lui qui permet à tous les autres d'intégrer le projet. C'est certes leur projet, mais il est obligé de le leur retourner pour qu'ils l'acceptent comme tel. Nous devons accepter qu'il y ait des leaders qui lancent le message pour que nous puissions nous organiser.

Afin que ces leaders avancent dans le sens attendu par les populations qui ne demandent qu'une seule chose : manger, se soigner et vivre décemment. Un homme se révolte quand ces trois conditions ne sont plus respectées. S'il y a de plus en plus de crises sociales en Afrique, c'est que ces trois conditions ne sont plus respectées. Pourquoi ? Comment un pays comme la Côte d'Ivoire peut-il produire 45 000 barils de pétrole par jour et n'en recevoir que 6 000 ? Alors que quand tu investis dans le pétrole, tu récupères toute ta mise en un an. Tout le reste, ce sont des bénéfices. Or, nous continuons de souffrir parce que le pétrole coûte cher.

Quand certains hommes parlent, ils oublient l'histoire. Comme si leur cas était original. Mais le Zimbabwe, ce n'est pas un cas original ! La Côte d'Ivoire, ce n'est pas un cas original ! Le Niger a voulu revoir son contrat sur l'uranium, vous savez ce qui s'y est passé ? Des 4X4 ont disparu dans le désert et quelques jours après, des rebelles sont venus dans ces 4X4. Le Niger était au bord de la crise totale lorsque le président Mamadou Tanja a décidé de reconduire le contrat tel qu'il était. Et comme par miracle, les rebelles ont disparu.

Mugabe devrait-il faire la même chose pour que la crise zimbabwéenne prenne fin ?

Mugabe, c'est un soldat ! C'est un homme qui est prêt pour la mort. Dans cet esprit, je ne crois pas qu'il cède. Je ne sais pas si cela va mettre fin à la crise, mais je pense qu'il luttera jusqu'à la mort. C'est un soldat, il voit les choses en soldat. Il a combattu pendant longtemps, il a combattu l'apartheid. Ce n'est pas une guerre simple, ce n'est pas une guerre de deux personnes qui ne sont pas d'accord et qui se tirent dessus. C'est une machine des grandes industries agro alimentaires du monde. Politiquement, ils peuvent le vaincre. Mais tant qu'il n'est pas mort, il se battra contre eux.

Dans cette lutte, des structures comme l'Union africaine et même la CEDEAO peuvent-telles servir ?

L'Union africaine ne peut servir que si elle est vraiment l'union de l'Afrique. Or, elle est la désunion africaine. Les Etats y vont pour dire qu'ils ne sont pas unis. Mais si l'Union africaine devient vraiment l'union de l'Afrique, si elle arrive, ne serait-ce qu'à se désengager du FMI, l'économie mondiale va basculer. Si les 14 pays de la zone CFA décident de se retirer de leur arrimage à la France, la France s'écroule. Ce sont des vérités simples. Si nous décidons, ici en Afrique, d'économiser, ne serait-ce que 5 F ou un dollar, nous serons une puissance. Mais personne ne sera d'accord avec ça. Si l'Union africaine marche dans ce sens, c'en est fini pour l'état actuel du monde.

Pourrons-nous y arriver un jour ?

Mais pourquoi posez-vous cette question ? Vous la posez comme les leaders noirs aux Etats-Unis. Jamais, en dehors des films de fiction, on n'avait imaginé un président américain noir. Et même lorsque dans ces films le président était noir, c'était un mauvais président. Mais nous sommes en 2008 et les Etats-Unis, la première puissance mondiale, ont un président noir. Chez eux, il n'y a pas de métis. Si tu as du sang noir, tu es noir. Obama a été élu, non pas parce qu'il est noir, mais parce qu'il a convaincu les Américains qu'il n'y a ni Noir, ni Blanc mais qu'il y a plutôt l'Amérique, et l'Amérique doit être la première puissance. Voilà son message.

Je pense que, parce que cela a été possible dans le pays qui a connu l'esclavage pendant des siècles, parce que cela a été possible dans le pays qui a connu la ségrégation raciale, donc le pays qui a été le plus dur avec sa minorité noire, rien n'est impossible ailleurs dans le monde. Si les gens n'ont pas encore compris ça, c'est qu'ils n'ont rien tiré de ce qui s'est passé aux Etats-Unis. Les larmes de Jessie Jackson, n'étaient pas des larmes d'actualité. C'était les larmes sur l'histoire. Il pleurait parce qu'il était au deuil de l'histoire. On enterrait l'Amérique esclavagiste, l'Amérique de la ségrégation. Il pleurait sur cette Amérique en train de mourir, parce qu'il était le témoin de ce que personne ne pouvait imaginer.

Dans l'état de pauvreté où vivent les Africains, n'est-ce pas leur en demander un peu trop ?

Non ! Nous pouvons, nous aussi, enterrer notre histoire. Nous avons le droit, le devoir et l'obligation devant l'histoire, d'enterrer notre histoire, l'histoire des pauvres, l'histoire des hommes soumis, l'histoire de ceux qui ne peuvent pas penser par eux-mêmes, cette histoire qui met l'Afrique au bord du gouffre et qui ne lui laisse pas de choix parce qu'il est le dominé du mur. Nous devons avancer pour construire une nouvelle histoire. Cela demande beaucoup d'efforts, mais il faut faire ces efforts.


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